Paris, 16 mars 1880, mardi matin, 8 h.
Je crois, mon pauvre bien-aimé, que tu t’es un peu trop agité hier, et que c’est à cela que tu dois ton insomnie de cette nuit. Heureusement que ta robuste santé résiste à toute cette prodigieuse consommation de vie que tu fais tous les jours, avec cette effrayante prodigalité littéraire, politique et mondaine. Dieu veuille que tu ne regrettes jamais ton opulente imprévoyance de ta santé, c’est ce que je lui demande avec un redoublement de sollicitude et de tendresse chaque fois que je pense aux dangers auxquels tu t’exposes si imprudemment tous les jours. Je m’exprime mal, mais je n’en n’ai pas moins trop raison, hélas ! Je continue à être obsédée des [illis.] de Mussy que je ne connais pas, et auxquels je ne sais que dire. Tu serais bien gentil de m’indiquer le moyen de m’en débarrasser autrement que par le silence impoli, et désobligeant, dans lequel je m’obstine forcément. J’ai bien assez, mon Dieu ! d’avoir à te rappeler de deux joursa l’un, qu’il faut que tu me donnes de l’argent pour faire aller ta maison, y compris les dépenses extra, telles que les impositions, les fumistes, l’éclairage, le blanchissage etc. etc. avec lesquellesb et sans lesquelles je t’aime cœur comptant principal et intérêts.
[Adresse]
Monsieur Victor Hugo
BnF, Mss, NAF 16401, f. 76
Transcription de Blandine Bourdy et Claire Josselin
a) « jour ».
b) « lesquels ».