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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Paris, 22 septembre [18]70, jeudi matin, 11 h.

Je sais que tu as passé une bonne nuit, mon cher bien-aimé, ce qui me rend bien heureuse, mais je le serai encore davantage si tu viens me chercher de bonne heure pour aller voir nos chers petits-enfants [1]. C’est devenu un besoin pour moi et je sens que quelque chose manque à ma vie quand je ne les ai pas embrassés au moins une fois tous les jours. C’est ce qui me fait désirer que nous soyons le plus près d’eux possible. Je crois que mon désir est d’accord avec le tien autant, je le répète, que ce sera raisonnable et possible. Quant à la combinaison P. Meurice, je crains que ce ne soit pas pratique, non pas à cause du logis qui sera toujours assez grand, mais pour la nourriture. La mienne encore passe. Je peux envoyer chercher un plat de viande par Suzanne pour nous toutes à la plus prochaine gargotte, mais pour toi et pour tes enfants je ne vois pas comment se tirer de cette difficulté-là. Quant à aller demeurer sans toi autre part qu’ici, je n’y consentirai jamais, même si tu m’en priais [2]. Aussi, mon cher adoré, il ne faut rien changer à notre vie d’à présent, quelqu’incomplète qu’elle soit, si ce n’est pour un rapprochement général. J’en accepte, bien entendu, celui du danger que je veux partager à tes côtés sans distinction de lieu, d’heure, et de convenance. Tu me l’as promis et j’y compte comme sur la promesse la plus sacrée. Aujourd’hui la journée paraît devoir se passer dans un énervant statu quo. Dieu fasse que ce ne soit pas reculer pour mieux sauter. Hélas ! ce vilain jeu de mots involontaire en fait craindre plus qu’il n’est gros [3]. Enfin à la volonté de Dieu. Je t’adore.

Collection particulière
Transcription de Jean-Marc Gomis

Notes

[1Juliette se sent de plus la grand-mère des petits Georges et Jeanne.

[2Victor Hugo loge chez Paul Meurice et sa femme, rue Frochot. Juliette est descendue non loin, à l’Hôtel Navarin. Elle déménagera au Pavillon de Rohan, rue de Rivoli, dans le même immeuble que Charles Hugo, sa femme Alice et les petits-enfants. Ce nouveau logis l’éloignera de Hugo, qui cependant viendra y prendre ses repas. Ce sera aussi pour elle l’occasion de fréquenter journellement Georges et Jeanne, pour son plus grand bonheur.

[3Citation des Femmes savantes de Molière, où, à l’acte III, le « quoi qu’on die » du sonnet de Trissotin semble à l’une des auditrices dire « plus de choses qu’il n’est gros ».

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