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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 octobre [1846], vendredi matin, 8 h.

Bonjour bien-aimé, bonjour adoré, bonjour tout toi, bonjour tous les tiens, bonjour, comment allez-vous tous ce matin ? Bien je l’espère. Je me fais du bonheur avec cette pensée-là. Il y a huit jours je m’en faisais bien autrement, assise à côté de vous et roulant vers le chemin de fer de Rouen et ces trois bons jours d’amour, c’est-à-dire trois siècles d’amour et de joie devant nous [1]. Aujourd’hui je n’ai plus rien que le souvenir de ces trois charmantes journées et je prétends le garder jusqu’à mon dernier soupir sans en rien oublier. C’est ce que j’ai fait depuis la première heure d’amour que tu m’as donnée jusqu’à la dernière. Je n’en ai rien oublié, je les ai toutes présentes à la mémoire comme si c’était de tout à l’heure. Je les revois une à une, je leur souris, je leur dis toutes les tendresses que j’ai dans l’âme et puis je les renferme pieusement dans mon cœur afin qu’il ne s’en perde aucune.
Je n’ai donc pas la moindre Académie aujourd’hui ? Hélas ! et demain non plus probablement ? Tout cela ne fait pas mon compte et je trouve très mal qu’on fasse des vacances sans ma permission, quand je n’en dois pas profiter. Que je vous voie vous moquer de moi, vilain, et vous verrez ce que je vous ferai. Je vous forceraia à me reconduire à Rouen avec vous et si vous dites un mot encore plus loin, encore un, encore bien, encore plus loin. Ah ! mais je ne plaisante pas moi, il y paraît sur ma manche. Baisez-moi et tâchez de venir plus vite que ça.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 171-172
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « forcerez ».


2 octobre [1846], vendredi après-midi, 2 h.

En vous attendant, mon cher amour, je vous écris, c’est une manière d’employer le temps qui n’est pas sans charme certainement, mais à choisir j’aimerais mieux ne vous écrire jamais et vous avoir toujours. Fâchez-vous si vous voulez mais c’est mon opinion tout entière. Voilà un temps qui doit rendre la santé et la gaieté à ton Charlot car il est impossible d’en avoir un plus doux et plus agréable ? Je pensais qu’il serait sorti aujourd’hui avec son frère et que tu serais venu travailler auprès de moi. Je vois que dans tous les cas vous ne vous dépêchez pas beaucoup de venir, scélérat. Cher bien-aimé, mon doux Victor, je ne veux pas te grogner, Dieu le sait, je veux au contraire que tu sois bien sûr que je t’attends avec tout mon courage, toute ma patience et tout mon amour. Je veux que tu saches bien que je n’ai pas la moindre amertume ni la plus petite mauvaise pensée. Je t’aime, je t’aime, je t’aime et voilà tout. Je t’attends avec confiance et bonheur. Je t’espère bientôt parce que je sais combien tu es bon. Quand tu viendras je te sourirai, je te baiserai, je t’admirerai et je t’adorerai et je serai bien heureuse. D’ici là, je vais copier ton manuscrit [2]. C’est encore une manière bien amusante et bien charmante de t’attendre. À tout à l’heure, mon adoré, ma vie, ma joie, mon amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 173-174
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Victor Hugo a emmené Juliette Drouet en Normandie, notamment à Rouen et Caudebec, du 25 au 28 septembre. À cette occasion, il s’est rendu pour la première fois sur la tombe de sa fille Léopoldine à Villequier.

[2Juliette Drouet copie des poèmes qui prendront place dans Les Contemplations.

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