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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 mars 1848

21 mars [1848], mardi matin, 9 h.

Bonjour, mon joyeux petit homme, bonjour, mon adoré, bonjour. Conserve bien ton doux sourire qui laisse voir tes belles dents, conserve bien ta charmante gaité qui donne à toute ta noble et puissante expression de force et de bonté tant de calme et de sérénité. Tant que je te verrai ainsi je serai tranquille car toute ma confiance vient de toi et retourne à toi. J’aime tout ce que tu aimes et j’accepte tout ce que tu approuves. J’en excepte les chemises déchirées et les bouteilles de vin non comprises dans la subvention. À part cela, j’accepte tous les gouvernements reconnus par toi et je pousse le courage de mon adhésion jusqu’à : VIVE LA RÉPUBLIQUE !!! Maintenant, je désirerais un peu plus de numéraire et beaucoup moins de chants patriotiques si cela ne doit pas nuire au gouvernement provisoire. J’avoue que je ne serais pas humiliée d’avoir le MOYEN de vivre pour la patrie et de très bien vivre, et d’avoir beaucoup de chemises neuves. Tous les refrains du monde ne valent pas à mes yeux. Pour le moment, des bonnes chemises neuves et de l’odontine à discrétion. Je ne peux pas dissimuler ma sympathie pour ces objets de LUXE et pour ces FRIVOLITÉS indignes d’une vraie citoyenne française. Après cela, vous me direz que je n’ai pas encore eu le temps d’oublier les anciennes habitudes de mollesse et de coquetterie contractéesa à l’exemple d’une monarchie corrompue et vicieuse. Mais avec le temps et égalité liberté et fraternité cela viendra, je n’en doute pas.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/08
Transcription de Joëlle Roubine

a) « contractée ».


21 mars [1848], mardi midi

Je suis bien patraque, mon bien-aimé, et je ne sais pas si je pourraia mettre un pied devant l’autre aujourd’hui. Cependant, je n’en voudrais pas répondre car il est probable que dès que je te verrai, je sentirai toute ma vigueur circuler dans mes jambes et ailleurs et que je ne demanderai pas mieux que d’aller avec toi si tu veux m’emmener. Dans cette supposition je vais me dépêcher de faire mes fonctions de FLAMANDE au risque d’être plus sale et plus dégoûtante qu’aucune d’elles et de vous offusquer les yeux, mon cher petit homme PROPRE. Qui m’aurait jamais dit que ce serait vous qui me donneriez des leçons d’ordre, d’économie et de propreté m’aurait fort étonnée. Il n’a fallu rien moins que la République pour faire ce miracle et je suis obligée d’avouer que vous vous y entendez très bien et que la critique de la maison propre et de la femme sale est d’une vérité parfaite. Il reste à décider lequel vaut mieux de la maison sale ou de la femme propre. Ceci est la question. D’avance, je me résigne à ce que vous préférerez des deux choses, mon goût étant de vous plaire et mon besoin d’être aiméeb de vous. Sur ce, baisez-moi et ne vous gênez pas pour me dire des sottises. Pourvu que vous m’aimiez, je les accepte toutes.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/09
Transcription de Joëlle Roubine

a) « pourrais ».
b) « aimé ».

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