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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 février [1838], mardi après-midi, 2 h.

Bonjour, mon cher petit bien-aimé, bonjour, mon adoré. Sans doute tu es à la répétition ? Jusqu’à ce que Marion [1] soit donnée, je ne pourrai plus compter sur toi le matin ? Je ne t’en veux pas, bien au contraire, pauvre âme. Je souffre de ton absence mais je ne t’accuse pas. Je hâte de tous mes vœux la fin des répétitions pour que nous soyons un peu plus l’un à l’autre, et puis pour être sûre que la rage des comédiens qui ne jouent pas dans cette pièce a été impuissante devant le succès, car c’est encore ma pièce de prédilection que Marion. Je la sais touta entière, c’est le moyen le plus sûr de ne rien perdre de toutes ces merveilles éblouissantes. Jour, mon Toto, jour, mon Toto chéri. Jour, onjour. Je vais écrire une petite lettre de remerciements à Mme Kraft et puis après je me lèverai car je suis encore au lit, paresseuse ! Je m’endors toujours si tard que ça n’est pas étonnant et puis j’économise mon bois pendant ce temps-là, c’est toujours ça de gagnéb. Je voudrais bien savoir si le Védel a paru à la répétition et comment il s’est tiré d’arrêter la seule pièce qui lui fait de l’argent pour donner celles qui lui font 300 et moins. Quelle haine et quelle rage au fond de tous les salamalecs de tous ces gens-là. Pour trois ou quatre d’honnêtes, il y en a vingt d’ignobles et de stupides crétins qui aimeraient mieux l’enfer avec François que le ciel avec toi. Je dis François pour les C. D., les Sc. [2]. et autres. Moi je t’aime toujours plus, voilà mon opignon.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 69-70
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain

a) « toute ».
b) « gagner ».


13 février [1838], mardi soir, 6 h. ½

J’espère, mon cher petit homme, que mes visites chez Mme Pierceau ne m’ôtent pas une seconde le bonheur d’être avec toi, sans cela j’y renoncerais avec enthousiasme. En arrivant chez elle, j’ai trouvé la D. qui paraissait fort maussade et fort bête. Je te dirai comment tantôt, quand je te verrai. Mon beau Toto : que je vous aime toujours plus, jamais moins. Je ne sais pas comment cela sea fait mais c’est comme ça. Je voudrais déjà être à ce soir pour m’appuyerb sur votre cher petit bras, et puis nous ferons des glissades pour faire épater les bourgeois et nous tâcherons de ne pas leur montrer le chemin des épatements à ces hideux bourgeois. Je t’aime toi, va. Je vous aime, vous. Si tu pouvais venir très tôt, quel bonheur !!!!!c J’ai un froid de chien, il vient du vent de partout qui me glace les pieds et le cou, il y a cependant bon feu partout. Décidément il ne fait bon et chaud que là où vous êtes, mon cher petit homme errant. Je baise tes pieds, tes mains, tes yeux, tes dents et ton âme. Je t’adore, mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 71-72
Transcription de Marie Rouat assistée de Gérard Pouchain

a) « ce ».
b) « appuier ».
c) Les cinq points d’exclamation courent jusqu’au bout de la ligne.

Notes

[1Marion de Lorme est reprise à la Comédie-Française les 8, 10, 12, 15, 17 et 20 mars.

[2Casimir Delavigne et de Scribe. Hugo était revenu à la Comédie-Française avec Angelo tyran de Padoue en 1835. Son contrat prévoyait la reprise la même année d’Hernani, et de Marion de Lorme. Mais le théâtre tarde à respecter ses engagements. Hugo, pour obtenir la reprise de ses pièces, entre en procès avec Védel, directeur-gérant de la Comédie-Française : il l’accuse de favoriser à ses dépens la coterie des auteurs classiques et « juste-milieu », parmi lesquels Scribe et Delavigne, qui lui font barrage, pour des raisons de rivalité littéraire, et non pas pour des raisons économiques, puisque précisément ses pièces sont largement bénéficiaires.

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