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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 mars 1847

3 mars [1847], mercredi matin, 11 h. ¼

Bonjour ma joie, bonjour mon bonheur, bonjour. Je suis heureuse, je te souris et je t’adore. J’aurais voulu que les deux heures de cette nuit ne finissent jamais, mais quelquea courtes qu’elles m’aient parub, elles n’en tiennent pas moins une place immense dans ma vie. J’aurai tout oublié depuis longtemps et mon corps ne sera que poussière depuis bien des siècles que mon âme se souviendra toujours de ces deux heures d’extase et de ravissement. Quand je te verrai tantôt je te dirai mieux qu’avec des mots toute ma joie et toute ma reconnaissance. Je te baiserai, je te regarderai, je t’admirerai, je te caresserai, je t’aspirerai, je t’écouterai et je t’adorerai. Tu vois du reste que tu ne perds pas ton temps et ta peine en m’en donnant un peu. Cela devrait t’encourager pour l’avenir puisque tu es si sûr de me rendre heureuse quand tu veux.
Que fais-tu aujourd’hui, mon Toto bien-aimé ? Je ne me souviens pas de toutes les invitations et de toutes les affaires qui te harcèlent, mais je sais que tu dois être pris aujourd’hui pour toute la journée, trop heureuse si tu peux venir à la hâte prendre un baiser de moi et m’en donner un. Cependant je t’attends. Il faut toujours que je conserve l’espoir de te voir bientôt, c’est ce qui me donne le courage et la patience de vivre séparée de toi.
À bientôtc donc et à toujours, ma vie, mon cœur, mon âme à toi.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/14
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « quelques ».
b) « parues ».
c) Ce « bientôt » est souligné de deux traits.


3 mars [1847], mercredi après-midi, 4 h. ¼

Voici l’heure à laquelle tu as coutume de venir quand tu peux, mon cher bien-aimé, aussi Dieu sait avec quelle impatience je le désire et je l’attends. Cependant rien n’est moins sûr et je ne m’y fie qu’à moitié. Aujourd’hui surtout, j’y ai moins de confiance encore qu’à l’ordinaire. Avec cela que j’ai cassé ma petite glace en mille morceaux tout à l’heure.

6 h. ½

Si tu étais bien gentil, tu viendrais travailler chez moi ce soir pendant qu’on irait chez M. de Lacretelle. Je te vois si peu et les petits moments que tu me donnes sont si absorbés par ton travail que c’est à peine si j’en peux extraire quelques parcelles de bonheur par-ci par-là. Aussi tu devrais les multiplier davantage afin que je puisse me retirer sur la quantité. Ce soir, par exemple, si tu m’as dit vrai, tu pourrais venir travailler auprès de mon feu quand ces dames seront parties. Cependant je n’y compte pas, j’aurais trop peur d’en être pour mes frais de désir et d’espérance. J’aime mieux avoir le plaisir de la surprise que l’ennui de la déception. En attendant, je pense aux bruits qui ont courua sur vous et sur Mme [P.  ?] et je n’en suis pas autrement édifiée [1]. Si j’osais avoir de la jalousie rétrospective, je vous ferais une affreuse scène ce soir mais, quoiqu’il n’y ait pas encore prescription pour ce genre de crime, les preuves matérielles ne sont pas assez en mon pouvoir pour avoir le droit de vous griffer d’importance. Je n’ai que des présomptions MORALES de votre immoralité à tous les deux et cela ne suffit pas judiciairementb à ce qu’il paraît. Je tâcherai d’être mieux en règle une autre fois. D’ici là méfiez-vous.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/15
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « courru ».
b) « judiciarement ».

Notes

[1À élucider.

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