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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 octobre [1849], vendredi matin, 8 h.

Bonjour, mon tout bien aimé, bonjour, de l’âme et du cœur, bonjour. Que je te dise tout d’abord que je n’ai pas voulu te prendre ta pièce de dix sous hier et que tu la trouveras aujourd’hui dans l’assiette qui couvre ta tisane. Je l’ai mise là pour ne pas l’oublier une seconde fois et pour te prouver ma probité. Je ne sais pas si je pourrai aller au bois aujourd’hui à cause du mauvais temps et surtout de mon rhume, mais je me dispose à bien mettre à profit chez moi tout le temps que j’y passerai. Ce n’est qu’en me faisant violence que je cède à l’impérieuse nécessité de mettre un peu d’ordre dans mes pauvres zaillonsa qui sont tout en désarroi.

12 octobre [1849], 2ème feuille, 8 h. du m.

Outre la peine que me donne un travail pour lequel je suis tout à fait impropre, il y aura pour moi l’ennui très grand et très difficile à supporter, celui de ne pas t’accompagner à l’Assemblée. Si j’avais pu par des ressources quelconques prendre Eulalie en journée pendant une quinzaine de jours, ma besogne aurait été mieux faite et je ne me serais pas imposé une privation que ton absence continuelle rend plus pénible encore. Enfin il faut vouloir ce qu’on ne peut empêcher et attendre avec patience que les bienfaits de la République te mettent bientôt à même de me donner un peu plus de chemises et de bon temps. Jusque-là il faut se raccommoder tant bien que mal et soigner ses rhumes comme on peut. Baisez-moi mon Toto adoré et tâchez de m’aimer.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 267-268
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) pour « haillons ».


12 octobre [1849], vendredi matin, 10 h.

Plus je trouve de charme à te dire que je t’aime et plus je crains de t’ennuyer au-delà de toute mesure. Je m’en veux de ne pas avoir dans l’esprit aucune ressource qui puisse parer mon pauvre amour beaucoup trop uniforme, mais j’ai beau m’ingénier, je ne trouve rien autre chose à te dire, sinona que je t’aime et que toute ma vie se résume dans ces deux mots sacramentels : Je t’aime. Depuis dix-sept ans je n’ai pas trouvé en moi un autre mot, quelque soin que j’aie mis à en chercher un plus nouveau pour toi. Maintenant j’y renonce parce que je vois que c’est peine

2e feuille, 12 octobre [1849], vendredi matin

perdue. Tout ce que je peux faire pour montrer ma bonne volonté, c’est de te parler de mon rhume de cerveau, lequel me donne une fièvre de cheval. Cette littérature de bons gendarmes n’est pas beaucoup plus amusante que mon unique refrain et je crois que tu n’y tiens pas absolument. Aussi, mon Toto adoré, je n’y persiste pas. Je reviens tout d’un trait à mes moutons que je ne veux plus quitter pour toutes les belles phrases du monde. Tant mieux pour celles qui ont le plus d’esprit, mais fidélité, indulgence et amour pour celles qui ont le plus de cœur comme la pauvre Bauldour

Juju

 [1].

BnF, Mss, NAF 16367, f. 269-270
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « si non ».

Notes

[1La Légende du beau Pécopin et de la belle Bauldour est une des lettres de voyage que Victor Hugo a réécrites et rassemblées en un volume, Le Rhin, paru en 1842. Cette légende raconte la patience de la belle Bauldour qui attendit, durant « cent cinquante ans et un jour », son fiancé, parti avec une troupe de chevaliers.

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