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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 août [1849], jeudi soir, 8 h.

Je ne me plains pas, mon adoré bien-aimé, et pourtant c’est à peine si mes lèvres ont eu le temps d’effleurer tes lèvres, mes yeux de rencontrer ton regard, ta parole de charmer mon âme, mon amour d’embrasser tout ton être dans une suprême caresse qui commence et qui finit par un baiser. Et pourtant, je te le répète, je ne me plains pas car je suis heureuse de te voir si grand, de te savoir si aimé. Parmi toutes ces émotions qui se disputent mon cœur tour à tour il y en a une qui domine toutes les autres, c’est la vénération que m’inspire la générosité évangélique et sublime qui est au fond de toutes tes pensées, qui est le but de tous tes efforts. Dans ma reconnaissance et dans mon admiration passionnée, je ne me laisse pas arrêter par la difficulté de traduire ma pensée dans une langue qui m’est inconnue. Qu’importe que ce soit en baragouin ou en charabia pourvu que cela parte du cœur, que l’air soit faux si la chanson est vraie. N’est-ce pas mon adoré, que l’important ce n’est pas de t’admirer avec l’esprit mais avec l’âme ? À ce compte-là personne ne te comprend et ne t’admire et ne t’aime mieux que moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16367, f. 235-236
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse


23 août [1849], jeudi soir, 8 h. ½

Quand je pense que tu as retardé ton dîner et celui de tes deux beaux tigres affamés pour venir me voir un instant, je suis pénétrée de reconnaissance et de pitié pour ton pauvre estomac. Cher adoré bien-aimé, tu es la grandeur, la grâce ineffable et la bonté sublime faitesa homme. Tant pis si ce que je te dis n’est pas conforme au beau style dont je n’ai pas la première idée. La première fois où mon cœur ab battu pour toi, où tes lèvres ont brûlé les miennes, où mon âme s’est abîmée dans la tienne, nous ne parlions tous les deux qu’une seule langue, la vraie langue universelle, L’AMOUR. Depuis je n’en aic pas appris d’autres et je n’ai rien oublié de celle-là. Je t’aime, voilà ma poésie, je t’admire, voilà mon éloquence, je t’adore, voilà mon style. Maintenant si vous avez besoin d’un interprète juré pour vous traduire ces sublimités c’est que vous ne m’aimez plus. Autrement, vous me comprendriez à demi-mot et vous passeriez des heures en l’honneur de votre pauvre vieille fidèle Juju.

BnF, Mss, NAF 16367, f. 237-238
Transcription d’Anne Kieffer assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « fait ».
b) « à ».
c) « n’ai ».

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