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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 août [1849], mercredi matin, 8 h.

Bonjour, mon bel endormi, bonjour, que le sommeil te soit doux et que mon amour passe dans tes rêves. Je reviens de la messe où j’ai prié le bon Dieu pour toi et pour tous ceux qui te sont chers. Si tous mes vœux étaient exaucés, tu n’aurais rien à désirer en ce monde. Que tu as été bon et adorable hier d’être revenu me voir. Si tu avais pu savoir quel rayon de joie et de bonheur tu allumais dans mon âme, tu aurais été fier et heureux de ta puissance. Mon Victor béni, je suis bien inhabile à t’exprimer ce que je sens et d’ailleurs tout l’esprit et tout le génie du monde ne l’exprimeraient qu’imparfaitement tant ce que j’éprouve est au-dessus de toutes les merveilles du langage et de la poésie. Aussi, je te dis tout simplement que tu es mon Toto bien-aimé, la lumière de mes yeux et l’âme de mon âme. J’aurais bien désiré profiter de l’absence de tes deux femmes pour te confisquer un peu à mon profit mais j’avais compté sans mon AUTRE CHARLOT [1], de sorte que je ne serai pas plus avancée après le retour de ta femme qu’avant. Je vois bien qu’il faut que je renonce à toutes les joies de l’amour, à tous les plaisirs de l’intimité et au bonheur ineffable de vivre avec toi côte à côte pendant des jours, des nuits et des mois. Il faut que je me résigne au seul bonheur de t’aimer, bonheur auquel je ne pourrais pas renoncer sans mourir. Mais si tu es heureux et si tu m’aimes, je crois que j’aurai ce courage, du moins je m’y appliquerais de toutes mes forces. En attendant, je t’adore à genoux.

Juliette

MVHP, Ms a8265
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux


15 août [1849], mercredi matin, 11 h.

Que faites-vous en ce moment, mon bien-aimé ? Êtes-vous sorti du lit ? Allez-vous bientôt déjeuner en compagnie de Charlot et songez-vous à venir me voir bien vite ? Quant à moi, j’ai déjà donné congé à Suzanne, qui attend que sa cousine la vienne chercher pour s’en aller. Et puis je pense à vous et puis je vous attends et puis je vous désire et puis je vous aime. J’ai reçu une lettre de Brest qui ne m’apprend rien positivement. Je sais à peu près qu’ils seront ici d’ici à une huitaine de jours et qu’ils y resteront très peu de temps. J’aurais voulu avoir des renseignements plus précis, mais ils n’ont pas su m’en donner d’autres. Ils doivent m’écrire encore une fois pour me préciser le jour juste de leur arrivée pour que je leur retienne près de chez moi une chambre à deux lits. Tout cela ne me satisfait qu’à moitié car j’aurais désiré profiter, tout à la fois, du séjour de ma sœur à Paris et d’une petite excursion avec toi n’importe où. Peut-être trouveras-tu une heureuse solution à tous ces embarras. À vrai dire, j’y compte bien un peu et c’est ce qui me donne une espèce de courage maintenant. En attendant, mon cher petit homme, tu serais bien gentil de venir de bonne heure aujourd’hui car tu sais que je dîne chez les Vilain et qu’il ne m’est guère possible d’y arriver plus tard que six heures. Pense à cela, mon bien-aimé, et fais tous les efforts pour venir tout de suite. Jusque-là, je vais finir de m’arranger pour n’avoir plus rien à faire qu’à te regarder et à t’aimer. Je baise de l’âme toutes tes adorables perfections.

Juliette

MVHP, Ms a8266
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

Notes

[1Compter sans son autre : être rattrapé par un imprévu.

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