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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 août [1849], vendredi matin, 6 h.

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon amour. Je n’ajoute rien à ce bonjour le plus doux et le plus tendre que mon cœur puisse te donner. Tu dors, je l’espère, car tu n’as pas comme moi l’affreux loisir de te coucher avec les poules. Pauvre bien aimé, je t’envie et je te plains. Sans doute, il est beau de porter le poids des affaires publiques et privées, qui ne sont pas les moins nombreuses et les moins lourdes, mais il est triste et douloureux de ne plus s’appartenir et de n’avoir pas le temps de regarder le ciel, les arbres, les fleurs et l’amour. Quant à moi, si j’avais le choix, je n’hésiterais pas entre un dévouement sans limite et sans compensation, et un égoïsme à DEUX plein de toutes les saintes joies de la vie. Si je blesse tes sentiments républicains et DÉMOCS, j’en suis fâchée, mais je persiste dans mon opinion réac à tout jamais. En rentrant hier, j’ai trouvé chez moi une lettre au nom de madame de Boy, plus une collection cartonnéea du Journal de l’Algérie et enfin un paquet sous enveloppe à ton nom et à ton adresse que j’ai ouvert pour me conformer à l’invitation de l’envoyeur. C’est un soi disant homme de lettres qui demande que tu lui fassesb obtenir 1° un secours d’argent 2° une place. Tout cela dans le style Bouard qui m’est particulièrement suspect. Enfin, tu verras ce que tu as à faire et ce que je dois répondre à ce Mr assez malavisé pour préférerc recourir aux singes qu’au bon Dieu, en dépit du proverbe. En attendant, je t’adore.

Juliette

MVHP, Ms a8260
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

a) « cartonné »
b) « fasse »
c) « préféré »


3 août [1849], vendredi matin, 10 h.

Si tu savais comme je me dépêche, mon bon petit homme aimé, pour être prête à l’heure à cause de ma pédicure qui vient si tard. Pour ne pas manquer de te conduire, je m’habillerai avant qu’elle ne vienne afin de n’avoir que mon bonnet et mon brodequin à remettre quand tu viendras. Tout cela, joint à mes petites triquemaques de maison, font que je n’ai pas une minute à perdre. Tu ne saurais croire combien il faut que je me dépêche pour mettre les deux bouts de ma sortie quotidienne et de mes arrangements de tous les jours ensemble. Toi-même au milieu de tous tes arias politiques et littéraires, tu n’es pas plus affairé et plus embêté que je le suis. Voime, voime, taisez-vous. Si vous saviez que je n’ai plus de chemises, plus de bas, plus de draps, plus de nappes, plus de serviettes, vous comprendriez tout ce qui faut de temps, de patience, d’industrie et de rage pour suppléer à tout cela tous les jours. Taisez-vous ou donnez-moi de quoi remonter mon ménage et ma garde-robe. En attendant, et comme fiche de consolation, faites-moi passer l’article Sauvageot, Vilain et Lelyon. Je vous en prie de toutes mes forces. Cher adoré bien aimé, je te tourmente mais je sens que cela est nécessaire pour t’empêcher d’oublier certaines bonnes gens au milieu de tout ce que tu as à faire, mais je t’aime, mais je te baise, mais je t’adore.

Juliette

MVHP, Ms a8261
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux

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