2 juillet 1849

2 juillet [1849], lundi matin, 6 h. ½

Bonjour, mon tout adoré, bonjour sur tes lèvres et dans ton cœur, bonjour, à tout ce que tu souhaites et à tout ce que tu aimes, bonjour. Si tu es déjà réveillé, tâche de te rendormir bien vite et surtout ne te lève pas car le temps est bien frisquet ce matin ; pour un peu je battrais la semelle et je souffrirais dans mes doigts. Dors, mon petit homme frileux, repose-toi, mon pauvre piocheur du bon Dieu et aime-moi un peu.
J’espérais donc faire avec vous un peu de commerce hier, mais vous n’êtes pas raisonnable ; aussi, je garde ma marchandise pour des amateurs plus délicats et moins coriaces que vous. Ce n’est pas avec vous que je ferai ma fortune, merci. Vous ne me donneriez pas même la valeur d’un verre d’eau à boire si j’avais bien soif. Cette manière d’entendre les transactions sont peut-être à l’ordre du jour à la législative, mais elle ne l’est pas du tout dans mon gouvernement. C’est pourquoi je n’ai pas la curiosité de vous vendre mes bric-à-brac à perte. Voilà comme je suis mais aussi voilà comme vous êtes, ce qui m’est rien moins que joli ! Taisez-vous et rendez-moi vingt-sept sous de lavande et d’omnibus, ça vaudra bien mieux. Avec cela que vous m’avez filouté une lettre à laquelle je tenais comme H [1]. Taisez-vous car vous m’exaspérez ou plutôt baisez-moi si vous l’osez, mais je vous en défie, vous êtes beaucoup trop représentant pour cela. C’est affreux à dire mais c’est vrai.

Juliette

MVHP, Ms a8239
Transcription de Joëlle Roubine et Michèle Bertaux