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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 mars 1854

Jersey, 7 mars 1854, mardi après midi, 4 h.

Je pense avec angoisse, mon cher petit homme, que c’est dans ce moment-ci que se décide la question du voyage à Londres demain matin et j’en ai le cœur serré. Cependant, mon bien-aimé, je tâcherai de prendre mon courage à deux mains devant cette cruelle nécessité afin de ne pas ajouter à la fatigue de ton voyage et à l’ennui de ton séjour dans cette bête de ville de Londres, la préoccupation de ma tristesse et de mon tourment. Seulement il faut que tu me promettes de ne pas dépasser le monstrueux maximum de huit jours sans m’appeler auprès de toi dans le cas, trop probable, où tu serais forcé de rester plus longtemps absent. Cette promesse, que tu m’as déjà faite, j’y compte comme sur un engagement sacré auquel tu ne manqueras pas dans aucun cas. C’est sur elle que j’étaie ma résignation et mon courage et que je trouve la force de me séparer de toi pour tant de jours et pour la première fois de ma vie. J’espère que de ton côté tu ne voudras pas tromper cette sainte confiance en manquant à ta bonne petite promesse. En attendant je vois avec chagrin que le temps paraît se gâter, juste au moment où je désirerais qu’il fût le plus beau pour cette inquiétante traversée. Mon Dieu quelle stupide inspiration que celle de déranger sans nécessité les gens de leurs affaires et de bouleverser leur vie et le bonheur de ceux qui les aiment. Quelle sotte invention que la politique et quels absurdes animaux que les politiquiers de profession. Quant à moi, je les voue, eux et leur invention saugrenue, à tous dieux infernaux de la mythologie Boustrapatiste. En attendant, j’ai vu le citoyen Guay que j’ai payé, ce qui m’a dispenséea de sortir, ce dont j’ai été charmée car je n’ai pas le cœur à la promenade aujourd’hui, tant s’en faut. Je t’aime et je me roidis contre le découragement, c’est tout ce que je peux faire pour le moment.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 91-92
Transcription de Chantal Brière

a) « dispensé ».

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