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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 mars 1854

Jersey, 4 mars 1854, samedi après midi, 4 h. ½

Cher petit bien-aimé, j’ai passé mon temps à… Tiens, vous voilà, quelle chance !

5 h. ½

Je crains, mon pauvre petit homme, de dépasser la limite du devoir en te racontant les moindres clabauderies de ton entourage. Si cela est, avertis m’en sans ménagement pour que je m’abstienne de toutes ces petites confidences, encore plus puériles que malveillantes de tes domestiques à ma servante. Quant à moi, je ne suis pas sûre de ne pas commettre une méchante action à mon insu. C’est pourquoi je te prie, mon cher petit bien-aimé, de me remettre dans la vraie voie du dévouement si je m’en écarte dans mon exil de susceptibilité à l’endroit de tout ce qui te touche. Ceci dit, dans la plus tendre et la plus pure honnêteté de mon cœur, je reviens à mon mouton rougemont [1]. Plus que jamais il me paraît invraisemblable que vous ne receviez pas de lettres de Paris et, pour peu que vous persistiez dans la suppression absolue de toute correspondance, avec la dite capitale, j’irai moi-même la chercher, telle est ma grandeur. Ce supplément de malle-poste pourrait au besoin me servir car je ne reçois aucune des lettres qui me sont nécessaires pour mes affaires. Ainsi, jusqu’à présent, aucun signe de vie de Mme Lanvin. C’est à n’y rien comprendre. Enfin il faudra bien pourtant que la chose s’éclaircisse par Julie. En attendant je suis pleine d’anxiété et de méfiance, mais à quoi bon t’ennuyera de cela, mon pauvre adoré, surtout après la splendide journée d’hier ? Tes paroles ailées et sublimes s’envolaient sur la route et montaient jusqu’aux cieux d’où elles étaient venues. Mon esprit ébloui s’abîmait dans cette merveilleuse contemplation du soleil du bon Dieu et de ton génie. J’étais tout yeux, tout oreille, tout âme et j’aurais voulu que cette journée rayonnante et bleue ne finît jamais. Mon Victor, merci, mon grand adoré, sois bien béni depuis la première parole jusqu’à la dernière que tu as dites devant moi hier.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 87-88
Transcription de Chantal Brière

a) « ennuier ».

Notes

[1A élucider.

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