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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 septembre [1845], vendredi matin, 7 h.

Bonjour, mon cher petit aimé, bonjour, mon amour adoré, comment vas-tu ? Comment va ton frère [1] ? Je suis assez inquiète de lui, car il me semble que tu ne serais pas resté à coucher s’il n’était pas sérieusement malade ? J’attends avec une impatience que je n’ai pas besoin de te dire que tu viennes ou que tu m’écrives. Je remarque avec tristesse que tout se succède depuis longtemps pour te tourmenter, te faire souffrir et m’empêcher de passer une journée avec toi. Quand cela finira-t-il, Dieu le sait. Ce que je sais, c’est que je t’aime de toute mon âme et que je te bénis à tous les instants de ma vie.
La mère Lanvin m’a appris hier que M. Pradier était parti pour Toulon la semaine passée et qu’il avait emmené avec lui son petit garçon. Claire ne le savait pas lorsque j’y suis allée mardi et ne le sait peut-être pas encore. Du reste, il n’y a rien de plus intéressant que cela à savoir sur lui. Je voudrais bien que ton pauvre frère ne soit pas malade et que tu viennes me le dire tout de suite. Je suis tourmentée et impatiente. Je suis triste comme un pauvre chien qui a perdu son maître. Je ne sais pas ce que je deviendrai si je ne te vois pas ce matin ou si je ne reçois pas de lettre de toi. En attendant, je t’aime de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 278-279
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette


12 septembre [1845], vendredi soir, 6 h. ¼

Mon cher petit bien-aimé, je suis bien heureuse de t’avoir vu tantôt et de savoir que ton bon frère [2] est hors de tout danger. Je commençais à m’inquiéter sérieusement lorsque tu es arrivé. Pauvre adoré, je suis bien heureuse de savoir que tu es délivré du tourment de savoir ton frère malade et d’espérer que je te verrai un peu plus souvent tout le temps qu’on sera à la campagne [3]. Ce sera aussi une bien grande compensation pour ma Clairette à l’absence de son père. Elle ne se plaindra plus autant de ne pas te voir. Quant à moi, je retiens ta promesse et je tiens mes recors [4] tout prêtsa à fondre sur votre carcasse si vous manquez à vos SACRÉS engagements. Il faudra aussi me prêter votre médaille afin que nous puissions visiter à notre aise toutes les choses intéressantes de Paris. Je veux mettre à profit les vacances si courtes de cette pauvre enfant. Je le veux d’autant plus qu’elle a travaillé comme un cheval cette année et qu’il est juste de l’en récompenser par un peu de distraction. J’espérais que tu viendrais me voir avant ton dîner, mon Toto, mais je vois que je me suis trompée comme toujours. Tu auras peut-être installé ton monde à Saint-James et dîné en famille ? Dans ce cas-là, je ne te verrai pas avant ce soir très tard ? Mais enfin je me résigne en pensant que je déjeunerai avec toi demain matin. J’y compte tout à fait et je prépare mon cœur à ce bonheur-là d’avance. D’ici là, je t’aime, je pense à toi toujours, je te désire et je te baise de l’âme. Je vois à peine assez clairb pour ne pas t’embrasser sur l’oreille à la place de t’embrasser sur la bouche. Heureusement que toutes les places de ton cher petit corps sont toutes également adorablement bonnes.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 280-281
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tout prêt ».
b) « claire ».

Notes

[1Abel Hugo est souffrant.

[2Abel Hugo était souffrant.

[3La famille de Victor Hugo séjourne à Saint-James. Ils reviendront à Paris le 21 octobre.

[4Recors : Assistant d’un huissier.

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