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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 juillet [1842], mercredi matin, 10 h. ½

Bonjour mon Toto bien-aimé chéri. Bonjour mon saint Victor. Bonjour, bonjour je vous la souhaite à tous les deux mes chers petits amoureux, meilleure et plus heureuse que la moitié de cette année-ci. J’espérais qu’en l’honneur de votre fête vous viendriez déjeuner avec moi ce matin, mais j’avais compté sans mon AUTRE [1] et sans votre ADRESSE, ce qui n’était pas adroit. Je mangerai donc votre pauvre fête sur mon pain chesse comme j’ai déjà mangé la mienne il y a deux mois, comme je mange tous les jours depuis deux ans : fort tristement et fort MAIGREMENT. Il n’a pas dépendu de moi que tu n’aies ta fameuse chaise aujourd’hui mais ce n’est que partie remise. Je voudrais bien que tu aies le temps de venir m’embrasser avant ce soir pour mon BOUQUET. Je voudrais aussi que tu embrasses mon autre petit Toto pour moi sur ses deux petites joues maigres. Si Dédé se rencontre sur ton passage à ce moment-là, je te prie de lui en donner autant parce que je me souviens que : ah ! et ille à papa hum hum. et que je ne veux pas faire de jaloux. Maintenant n’oubliez pas que je suis votre COPINE pour partager de quoi que vous aurez aujourd’hui [2]. Je compte sur votre délicatesse et sur votre probité bien connue pour ne pas me FRUSTER [3] de mes droits pour bien dire. En attendant je vous la resouhaite, je vous rembrasse et je vous raime comme une enragée que je suis.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 265-266
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


20 juillet [1842], mercredi après-midi, 2 h. ½

Je vous attends, mon Toto chéri, c’est pour ça que vous ne vous pressez pas sans doute. Voime, voime fort spirituel. Où êtes-vous, que faites-vous et qui aimez-vous, monstre d’homme ? Êtes-vous bien comblé ? Aurai-je un bon COPIN à partager avec vous [4] ? Tâchez de me dire ça un peu vite s’il vous plaît. Il va encore pleuvoir et si vous n’y prenez pas garde, vous serez mouillé comme un pauvre chien caniche comme hier. Vous savez mon Toto que je veux absolument avoir une copie de cette fameuse adresse. Je tiens à savoir tout ce que vous dites et tout ce que vous faites, et ceci est une chose assez importante pour que j’en sois informée. Je n’ai pas la même confiance en vous que ces vieux bonshommes moi. Il faut que je voie tout, que je sache tout avec et sans crayon. D’ailleurs c’est bien le moins que faisant les frais de tous vos chefs-d’œuvre, j’en tire le bénéfice de les admirer une des premières. Quand je dis que j’en fais les frais je veux dire que je paie du bonheur de vous voir tout le temps que vous travaillez. Je ne veux pas laisser d’obscurité sur ce passage de ma lettre afin que la postérité ne se méprenne pas sur lui en pensant que ce pouvait bien être MOI qui fasse vos chefs-d’œuvre, ce qui ne serait NULLEMENT INVRAISEMBLABLE. Maintenant que vous voilà à l’abri des interprétations fâcheuses pour votre réputation, baisez-moi mon cher petit saint et dépêchez-vous de venir me baiser en chair et en os.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 267-268
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Compter sans son autre : ne pas avoir anticipé une circonstance qui contrecarre le projet qu’on a élaboré.

[2Jeu de mots sur l’étymologie de « copain » (avec qui l’on partage le pain), ici au féminin.

[3Fruster : déformation volontaire de « frustrer », qui joue aussi avec l’adjectif « fruste ».

[4Juliette s’amuse de l’étymologie de « copain », celui avec qui l’on partage le pain. Dans la lettre de la veille, elle déclinait ce jeu de mots au féminin.

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