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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 août [1845], vendredi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour, mon Victor adoré, bonjour, comment vas-tu aujourd’hui ? As-tu été mouillé cette nuit ? Je pense toujours vingt-quatre heures après qu’il n’est plus temps aux choses nécessaires. J’aurais dû te dire hier au soir de prendre le parapluie de Suzanne pour t’en aller. Mais je suis stupide, je ne pense à rien quand tu es auprès de moi qu’au bonheur de te voir, et quand tu t’en vas qu’au regret de te quitter. J’espère que mon oubli ne t’aura pas fait de mal et que la pluie avait cessé quand tu es parti.
Jour, Toto, je n’ai pas encore lu Teverino [1]. Damea, je ne suis pas payée pour cela. Quand vous m’aurez donné mes HUIT SOUS, compris le no d’aujourd’hui, je me risquerai à lire ce feuilleton blaireux. Mais jusque-là, je ne suis pas si bête, je n’ai pas besoin de m’ennuyer et de faire des efforts pour me rendre plus bête encore que je ne suis. Je suis comme Richib de ce côté-là. Aussi je garde mon temps et ma peine pour une meilleure occasion. Baisez-moi Toto, et songez à mettre à profit la permission que vous a donnée M. Louis. N’attendez pas que les barrières soient posées, à moins que vous ne teniez à ce que je vous HUE.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 178-179
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « Dam ».
b) « Richi ».


22 août [1845], vendredi soir, 6 h. ¼

Tu n’es pas revenu, mon Toto, et j’ai grand peur que tu ne reviennes pas avant l’heure de ton dîner. Si cela était, je ne serais pas très contente. Tu vas encore te fatiguer à travailler trop tôt et puis tu retomberas malade. C’est vraiment bien calculé pour un homme qui se pique de raison et de raisonnement. À votre place, je serais venuea encore aujourd’hui me reposer auprès de MOI, j’aurais lu Teverino [2] avec recueillementb et j’aurais baisé ma Juju avec fureur. Vous voyez bien que j’ai plus de raison de conduite que vous malgré vos cheveux noirs et vos petits doigts roses. Si tu savais ce que je souffre aujourd’hui, mon Victor chéri, tu me permettrais d’user un peu du remède infernal. Je t’en prie. Je suis sûre que cela ne me fera que du bien. D’abord je sais la manière de m’en servir et j’ai autant de prudence que tu n’en as pasc. Vraiment puisque cela me soulage, tu ne devrais pas t’y opposer. Si mon mal continuait, je ne pourrais peut-être pas me lever demain, sans aucune espèce de plaisanterie.
Cher petit homme, je vois bien que je ne te verrai pas avant ce soir très tard. Je tâche d’avoir du courage et de la résignation, deux vertus qui sont usées jusqu’à la corde chez moi à force d’avoir servi. Je te désire, je t’attends, je te baise et je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 180-181
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « je serais venu ».
b) « recueuillement ».
c) « tu en as pas ».

Notes

[1Du 19 août au 8 septembre 1845, La Presse publie un feuilleton, Teverino de George Sand.

[2Du 19 août au 8 septembre 1845, La Presse publie un feuilleton, Teverino de George Sand.

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