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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mai 1845

23 mai [1845], vendredi matin, 11 h. ¾

Bonjour, mon Toto adoré, bonjour, mon cher amour bien-aimé, bonjour, mon Victor charmant, doux ineffable et ravissant, bonjour. Je te dis un bonjour bien paresseux et cependant je suis levée depuis sept heures et demie. Mais, de tracasserie en tracasserie, de Sauvageot en Fouyou, j’en suis venue jusqu’à cette heure-ci sans avoir pu te dire mon petit bonjour quotidien.
La mère Sauvageot est venue m’apporter des torchons et des tabliers de cuisine que je lui avais fait demander. Je ne l’ai pas payée, quoique j’eusse là de l’argent, mais tu ne me l’avais pas permis. Elle te fait offrir de la toile de Hollande à 10 francs 10 sous le mètre pour 7 francs 10 sous. Elle doit t’en envoyer un échantillon. Tu verras, mon amour, si tu peux, si tu veux avoir une demi-douzainea de vraies belles chemises de toile fine du prix de 32 à 33 francs la pièce. Nous avons calculé avec Eulalie le prix de revient, y compris la façon. Maintenant, en ne faisant que les devants, les manchettes et le col en toile fine, elles ne reviendraient guère qu’à 20 francs ou 21 francs, ce qui serait une différence de 10 francs à 11 francs par chemise. Je t’écris tous ces détails fastidieux, mon adoré, pour t’aider à te rendre compte de la chose dans le cas où il te conviendrait d’en acheter.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, je vous aime, je vous souris, car je vous ai vu cette nuit. Je ne suis pas grognon, au contraire, je vous attends avec joie et bonheur. Venez donc bien vite, mon Toto bien-aimé. Je suis très gentille, je vous assure et je vous aime tout plein.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 211-212
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « une demie douzaine ».


23 mai [1845], vendredi soir, 6 h. ½

Je t’aime, mon Victor. Ce petit mot-là est bien gros d’amour puisqu’il contient toute ma vie, toutes mes pensées et toute mon âme. Je ne t’ai presque pas vu tantôt, mon Victor chéri, et cependant ce petit moment de joie a suffi pour égayer et pour dorer toute ma journée en dépit de la pluie et de la grêle du bon Dieu. Si tu peux venir avant le dîner, je serai bien heureuse et je pourrai joindre les deux bouts de ma journée et de ma soirée jusqu’à l’heure où je te verrai cette nuit sans trop d’efforts et trop d’impatience.
La Sauvageot n’a pas envoyé son échantillon de toile. Pour peu que tu y tiennesa, je te l’enverrai chercher. Tu me diras cela quand je te verrai.
Mon Victor bien-aimé, bonjour. Je te souris, je t’aime. J’ai ta petite lettre sur mon cœur, elle s’y trouve très bien, elle a bien chaud, je lui ai demandé tout à l’heure. Je la baise tous les soirs avant de la coucher. J’en ai très soin. Nous sommes très contentes l’une de l’autre. Je ne sais pas comment je ferai quand il faudra m’en séparer. Je sais bien qu’elle ne sera pas loin de moi, mais c’est égal, elle ne sera toujours pas aussi près de mon cœur qu’à présent.
Mon Victor adoré, voici bientôt sept heures. Est-ce que tu ne viendras pas une petite minute avant la nuit prochaine ? J’ai pourtant été bien raisonnable et bien sage depuis hier. Il faut me récompenser et m’encourager dans cette bonne disposition en me récompensant par un petit morceau de bonheur de temps en temps. Tâche de venir, mon Victor, je t’en prie, je t’en supplie.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 213-214
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu y tienne ».

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