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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 janvier [1849], mardi soir, 4 h. ½

J’étais en retard ce matin, mon doux bien-aimé, si bien que je n’ai pas pu t’écrire de toute la journée. Une fois que je suis déréglée, j’ai beaucoup de peine à reprendre mon aplomb. Mais enfin me voici revenue et j’en profite tout de suite pour mettre mes pattes de mouches à la place de ce qui est ma pensée, mon amour, mon cœur et mon âme. J’aurais bien envie de me plaindre et de grogner un peu de la part plus qu’exiguëa que vous m’avez faite aujourd’hui. Mais comme cela ne me rendrait pas le bonheur qui me manque et que cela pourrait vous ennuyerb hors de propos, je garde mon envie pour une meilleure occasion. Je vous ai acheté vos trois baromètres ou thermomètres, je ne sais pas au juste. Cependant je crains que ce ne soit de l’argent très mal employé, car au moment où je les payais, deux messieurs ont dit en passant près de moi : les baromètres à 10 sous et le vin à 4 sous sont justec aussi bons les uns que les autres. Malheureusement j’avais des ORDRES. J’ai dû les suivre au risque de faire des stupidités. C’est pas ma faute. Baisez-moi et aimez-moi. Je le veux tout de suite.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1849/02
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette

a) « que exigue ».
b) « ennuier ».
c) « justes ».


9 janvier [1849], mardi soir, 5 h.

Je suis toute déroutée, mon cher amour, il me semble qu’il me manque la moitié de la journée. Je ne sais pas pourquoi la ration me semble encore plus courte aujourd’hui que d’habitude. Cependant c’est à peu de chose près la même distance d’ici à l’Institut [1] que d’ici à l’Assemblée [2] ? Enfin, que ce soit ou non une illusion, il me semble qu’on m’a volé la moitié de mon bonheur, ce qui ne me fait pas rire tant s’en faut. Pour me dédommager j’ai trouvé en rentrant une note du peintre colleur de papier montant à 4 francs 10 sous [3] pour avoir condamné deux portes et mis de la toile d’un côté de l’une d’elles. J’espère que c’est la dernière note de ce genre, car je commence à en avoir pour toi bien plus que par-dessusa la tête. Quant à Jourdain, tu verras à le faire régler, mais je crains que cela n’aboutisse par une bien grande réduction. Si peu que ce soit il faut tâcher de l’obtenir, car Dieu sait qu’aucune économie n’est à dédaigner par le temps de prospérité publique et privée que nous fait la SAINTE RÉPUBLIQUE à qui le diable torde le cou. En attendant baise-moi de loin et encore plus de près, de très près.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1849/03
Transcription de Véronique Heute assistée de Florence Naugrette

a) « pardessus ».

Notes

[1L’Institut de France où siège l’Académie française, quai de Conti. Victor Hugo y a été élu le 7 janvier 1841 et y a été reçu le 3 juin de la même année.

[2Victor Hugo a été élu au scrutin complémentaire le 4 juin 1848 à l’Assemblée constituante et est député de Paris. L’Assemblée se situe quai d’Orsay.

[3Cette dépense apparaît dans la note que Juliette Drouet adresse à Victor Hugo dans sa lettre du 21 janvier 1849 : « Peintre colleur de papier 4 francs 10 sous » (HL, MS Fr 100.4).

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