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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 juin [1845], lundi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon adoré petit Toto, bonjour, comment vas-tu ce matin, comment m’aimes-tu ? Moi, je vous adore et je vais très bien. Cependant je suis légèrement fâchée après les Lanvin. Il me semble qu’ils auraient dû m’avertir qu’ils ne pourraient pas venir reconduire Claire ce matin. C’est toujours un embarras lorsqu’on a compté sur quelqu’un à heure fixe pour se pourvoir après en cinq minutes. C’est ce qui m’est arrivé ce matin avec ma péronnelle. J’ai envoyé chercher le frotteur [1] qui m’a donné son neveu, parce qu’il n’est pas libre de son temps aussi matin. C’est la seconde fois, du reste, que cet homme la reconduit à la pension. Dorénavant je m’en tiendrai à lui. Cela me coûtera 1 franc chaque fois, mais je n’aurai d’obligation à personne et je ne dérangerai personne. Quanta à Suzanne, il n’y faut pas penser. Ce n’est pas Suzanne qui empêcherait un malotru de s’approcher de ma fille et de lui dire des obscénités ou des fadaises. Ensuite les complaisances seraient fort à craindre. Tandis qu’avec un homme, on ne peut pas les demander. Bref, je ne serais pas tranquille avec Suzanne. Je ne le suis déjà pas beaucoup autrement. J’en reviens à mon éternelle ritournelle : que le Diable emporte les filles. Baisez-moi, Toto, baisez-moi, mon cher petit o, je vous aime et je vous adore. Je vous attends tout plein mon cœur. Je voudrais déjà qu’il fût l’heure de venir baigner vos beaux yeux, car je n’ai pas l’espoir de vous voir auparavant. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 277-278
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « quand ».


9 juin [1845], après-midi, 3 h. ½

Je suis seule à la maison, mon cher bijou bien-aimé, j’ai donné la permission à Suzanne d’aller chez sa cousine jusqu’à l’heure du dîner. Tu n’es pas encore venu, mon Victor attendu et désiré. J’espère que ce retard ne cache aucune nouvelle contrariétéa ? Le commissionnaire est revenu chez moi et il m’a dit de la part de Claire qu’il fallait qu’elle fût jeudi prochain à l’Hôtel de Ville avant midi [2]. Du reste, la péronnelle ne dit pas s’il faut que ce soit Eulalie qui aille la conduire. Je crois qu’il ne serait pas inutile que j’allasse moi-même avant jeudi à la pension savoir au juste comment les choses se feront. Dans les tous les cas, je vais écrire à Eulalie de venir pour jeudi. Enfin d’une façon ou d’une autre, il faut espérer que cette sotte histoire d’examen aura une issue dans trois jours. Je ne sais pas si elle aura écrit à M. Dumouchel. Décidément, il est nécessaire que j’aille savoir tout cela demain.
Je vous aime, Toto, quoique cela vous soit parfaitement indifférent. Aussi, n’est-ce pas pour vous, mais pour moi, que je vous aime comme une enragée. Prenez garde à vous.
J’ai envoyé la lettre de M. Souvestre à son adresse, c’est-à-dire : par la poste. Je fais très bien les commissions comme vous voyez. Si vous me disiez de vous embrasser depuis à présent jusqu’à demain, je le ferais avec autant d’obéissance. Essayez, vous verrez. En attendant, je vous embrasse malgré vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 279-280
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « contrariétée ».

Notes

[1« Celui qui frotte les parquets » (Littré).

[2Claire est de nouveau convoquée pour passer son examen d’institutrice le 12 juin, où elle échouera.

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