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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 3 février 1860, vendredi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher bien-aimé, bonjour le moins maussadement que je peux après une mauvaise nuit. Mais si tu as bien dormi et si tu es content ce matin, mon pauvre trop aimé, je ne me plaindrai pas et j’oublierai de souffrir. En attendant que je sache comment tu vas je t’envoie tout mon cœur et toute mon âme fais-en ce que tu voudras. Quel que soit le sort que tu leur réserves il vaudra mieux pour eux que celui que mon amour inquiet et jaloux leur fait tous les jours. Hélas ! Voilà, je le crains beaucoup, nos promenades ajournées pour quelque temps si j’en crois la pluie de ce matin et mes bobos barométriques. Il est vrai que le climat est capricieux et que mes douleurs sont fantasques ce qui me laisse encore un peu d’espoir de voir revenir bientôt nos charmantes excursions pendant lesquelles il me semble que tu m’appartiens tout entier. J’espère que je ne te tourmenterai pas aujourd’hui de mes paniques imaginaires mais le plus sûr pour moi serait de ne pas laisser approcher ma pensée de tes relations ordinaires et extraordinaires. Tu sais à quel point les abîmes me donnent le vertige ? Là où tu ne vois qu’un plaisir un peu plus vif que dans le sentier commun, je redoute un danger, là où tu ne vois qu’une jolie femme dont la FLIRTATION te plaît, je pressens une coquette dont le caprice tuera mon bonheur. Tout cela est imaginaire, je le crois mais je ne saurais m’amuser de mes trop réelles souffrances, c’est pourquoi je fuis le plus que je peux tout ce qui me les [illis.].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16381, f. 8
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette


Guernesey, 3 février 1860, vendredi, 1 h. après-midi

Quel bonheur de sentir que je t’aime et que je pourrai bientôt reprendre mes douces habitudes de vagabondages à travers champs avec toi, mon ineffable bien-aimé. En attendant je pense que le médecin se croira encore obligé de me faire une dernière visite aujourd’hui ou demain mais cette fois ce sera bien je l’espère la DERNIERE DES DERNIERES. Ah ! Mais ça finit par m’ennuyera et beaucoup fort toute cette médecinaisserie. J’aime mieux mes petits dîners du mercredi que la plus horrible potion de chez Noftel tel est mon chèque le vôtre est d’essuyer correctement du haut en bas votre [illis.] avec vos draps et vos couvertures ce qui est médiocrement hygiénique quoi que vous en disiez d’autant plus qu’il y a de la pluie et de la neige dans l’air et que toute votre literie l’absorbe malgré le grand vent. Cher adoré, le mieux est l’ennemi du bien c’est la sagesse des nations quib le dit et je crois que tu as tort de t’aérer d’une façon aussi féroce.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16381, f. 9
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « m’ennuier ».
b) « qu’il ».

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