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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 avril [1844], mardi matin, 10 h. ½

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour, mon cher amour bien aimé. Je te demande pardon de t’avoir tourmenté cette nuit, mais c’est plus fort que moi : j’ai beau sentir que je suis injuste, que je te décourage, que je t’éloigne au lieu de t’attirer, que je manque d’adresse et de grâce, la tristesse et le chagrin l’emportent sur toutes les considérations que je viens d’énumérer, et je me plains avec amertume. Je t’en demande encore une fois pardon, mon Toto, je le regrette bien et je voudrais pour tout au monde ne l’avoir pas fait. Si tu savais combien je t’aime, mon Victor bien aimé, tu comprendrais ce que je souffre de ne pas te voir, et ce que je souffre de te tourmenter, puisque je sais que tu es accablé de besogne et qu’il ne dépend pas de toi de venir auprès de moi autant que je le voudrais. Tu vois que ce n’est pas la bonne volonté d’être patiente et courageuse qui me manque, mais je t’aime trop, voilà le malheur. Pense à moi, mon cher petit bien-aimé : plains-moi et tâche de venir un peu dans la journée, cela me donnera des forces et du courage. En attendant, je vais bien te désirer et bien t’aimer. Jour Toto, jour mon cher petit o, vous êtes mon petit homme trop aimé. Il faudra que je tâche de me corriger.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 5-6
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette


2 avril [1844], mardi soir, 6 h. ¼

Encore une journée bien longue et bien triste, mon pauvre adoré ; quelle quea soit ma résignation je ne peux pas m’empêcher de la trouver telle et de te le dire. Ce n’est pas de l’humeur, ce n’est même pas de l’impatience, mon Victor, c’est de la vraie vraie tristesse du cœur. Je t’aime mon Victor, c’est te dire que le chagrin de ma vie, c’est ton absence, comme ta présence en est le bonheur et le paradis. J’ai vu Mme Triger tout à l’heure : elle m’a donné des détails sur les dernières souffrances de cette pauvre Mme Pierceau qui sont atroces. Pauvre créature ! On lui souhaiteraitb presque la mort dans l’espoir d’une vie meilleure. Du reste, il faut se hâter de lui donner les dernières marques d’affection car Mme Triger dit qu’elle peut mourir d’une minute à l’autre. Si tu peux m’y mener demain, je crois que tu feras une bonne action et peut-être la dernière bonne action envers cette malheureuse femme. Je t’aime mon Victor. Si tu me vois triste, ne t’en préoccupec pas puisque cela ne peut pas être autrement, tant que je t’aimerai et tant que je serai forcée de vivre loin de toi. Pense à moi avec regret et aime-moi, mon Toto, car je le mérite bien, sans fatuité. Je me rends cette justice.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 7-8
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « quelque ».
b) « on lui souhaiterais ».
c) « préocupe ».

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