Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1844 > Mars > 21

21 mars 1844

21 mars [1844], jeudi matin, 10 h.

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon cher amour, bonjour, mon pauvre cœur triste, bonjour, le meilleur et le plus beau des hommes, bonjour, je baise tes chers petits pieds. Comment vas-tu ce matin ? Es-tu moins triste et moins accablé qu’hier ? Si tu crois que je puisse faire quelque chose pour t’aider à porter ce nouveau fardeau qui menace de peser sur toi, il faut me le dire, mon cher bien-aimé, je le ferai avec empressement et tu me combleras de joie. S’il y a quelques dépenses que je puisse retrancher dans ma maison, il faut me les indiquer avec confiance et je les supprimeraia avec bonheur. Tu ne sais pas, mon Victor adoré, quelle joie ce serait pour moi de savoir que je te suis bonne à quelque chose. N’hésite pas mon bien-aimé à t’appuyerb sur moi, je suis plus forte que tu ne penses.
Je voudrais bien te voir, mon Victor, pour savoir comment tu vas et pour m’assurer que tu es moins triste qu’hier. Comment va ton rhume ? Si tu veux je te referai de la tisanec. Je ne te demande pas à sortir quoiqu’il fasse très beau parce que je te sais occupé et puis j’ai promis à ma servarde de la laisser aller chez sa cousine ce soir. Pour cela il faut que je dîne à cinq heures. Tu vois qu’il n’y a guère moyen de sortir. Cependant, si tu venais me chercher, je crois, et même je suis sûre, que je n’y résisterais pas. En attendant, je me dépêche et je t’aime de toute mon âme. Je te baise depuis les pieds jusqu’à la tête.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 313-314
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « suprimerai ».
b) « appuier ».
c) « tisanne ».


21 mars [1844], jeudi après-midi, 4 h. ¾

Tu n’es pas venu en allant à ton Académie, mon Toto, tu as oublié que j’étais tourmentée puisque je te savais triste et souffrant. Tu aurais dû venir dans tous les cas puisque tu sais que tu me combles de joie chaque fois que je te vois. D’ailleurs, si tu savais combien je suis inquiète chaque fois que tu es absent, tu viendrais cent fois par jour ne fût-cea que pour me tranquilliser.
Tu sais, du reste, par toi-même que mes craintes ne sont pas tout à fait chimériques car hier tu l’as échappé belle avec ton canon [1]. Si tu n’étais pas toujours si préoccupéb, je te supplieraisc de faire attention et de ne pas marcher côte à côte avec des voitures lourdement chargées. Mais je sais d’avance que tu ne tiendras pas compte de ma recommandation et je reconnais qu’avec tes occupations c’est impossible. Il faut que je me résigne à vivre avec ce tourment et le regret de ne pas te voir. Ça n’est pas non plus trop facile.
Probablement quand tu viendras tu me trouveras en compagnie de mes divers animaux car j’ai donné congé à Suzanne pour toute la soirée. Je vais même dîner dans un quart d’heure afin de lui faire la soirée plus longue. Cette pauvre fille, il faut bien qu’elle sorte de temps en temps.
J’ai écrit à Mme Luthereau que ce qu’elle demandait ne se pouvait pas [2]. Tu avais cependant trouvé un bon titre [3], le seul original et le seul nouveau mais je ne la crois pas assez avancée en littérature pour en comprendre toute la beauté et toute l’opportunité. D’ailleurs je le retiens pour le premier journal que je fonderai.
Baisez-moi Toto, et aimez-moi, je vous l’ordonne. De mon côté je vous promets de n’être pas en reste avec vous. Dépêchez-vous de venir s’il vous plait. Je suis très pressée de vous baiser.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 315-316
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « fusse ».
b) « préocupé ».
c) « suplierais ».

Notes

[1Victor Hugo a failli être tué par la chute d’un canon alors qu’il se promenait quai de la Grève.

[2Mme Luthereau a demandé à Victor Hugo d’apostiller sa pétition.

[3À élucider.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne