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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 janvier [1844], dimanche matin, 11 h. ½

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon adoré petit homme. As-tu pris un peu de repos cette nuit ? Comment vonta ton rhume et ton estomac ? Sans être malade, mon cher adoré, tu as besoin de te ménager beaucoup pour faire face à toutes les fatigues que tu t’imposes. Je te recommande d’avoir les plus grands soins de ta santé, c’est-à-dire de ma vie et de mon bonheur.
Je voudrais que cette triste cérémonie de l’église fût passée [1]. Je redoute pour toi toutes les émotions douloureuses que cela ne peut manquer de te faire. Je voudrais être déjà à demain soir pour être sûre comment tu as passé cette pénible matinée. Si tu as un moment dans la journée donne-le-moi. Tu sais, si je t’attends et si je te désire dès que tu n’es plus avec moi, je suis tourmentée et triste, je n’ai de tranquillité et de joie qu’en ta présence. Cela ne m’arrive pas souvent et cela ne dure pas longtemps. C’est pour cela, mon cher petit bien-aimé, qu’il faut me donner toutes les minutes qui ne sont pas indispensables à ta famille, à tes amis et à tes affaires. Tu vois que je ne suis pas trop exigeante. Je demande peu pour avoir moins encore et je serai trop heureuse si tu me l’accordes.
Pense à moi, mon Toto chéri, pense à la pauvre femme qui a mis tout son amour et toute sa vie en toi. Je baise ta ravissante petite bouche rose.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 105-106
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « va ».


28 janvier [1844], dimanche soir, 10 h. ¾

Je sais que tu es occupé bien tristement, mon Toto, pour cette malheureuse famille. Je sais que demain tu as un dernier et très pénible devoir à rendre à ce pauvre mort [2]. Je sais tout cela, mon adoré, et je tâche d’avoir le plus de courage que je peux pour ne pas te tourmenter injustement et inutilement. Malheureusement, tous mes efforts n’aboutissent qu’à me rendre très maussade et très grognon. C’est qu’avant toute chose je t’aime. C’est peut-être cruel et méchant ce que je te dis là mais c’est la vérité. Tout ce qui n’est pas ta personne ou ta famille ne m’intéresse pas assez pour ne pas regretter amèrement la sacrifiée que tu leur faisa aux dépensb de mon bonheur.
Cependant, mon adoré, je ne veux pas que tu me croiesc sérieusement insensible et égoïste. Mais je te répète qu’avant toutes les choses de ce monde, tristes ou gaies, je mets mon amour. Le premier et le seul besoin de ma vie c’est de te voir. Tu avais l’air bien fatigué et bien préoccupéd ce soir. Tu paraissais même mécontent.
J’espère pourtant que tu ne pousseras pas le dévouement jusqu’à te faire un chagrin personnel de l’avenir de tout ce monde ? J’approuve tout ce que tu fais dans leur intérêt pourvu que ça n’aille pas jusqu’à te rendre malheureux, tu entends, mon cher petit. Si cela était, je deviendrais féroce et puis je déraisonne et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 107-108
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « fait ».
b) « au dépend ».
c) « croyes ».
d) « préocupé ».

Notes

[1Charles Nodier est décédé la veille.

[2Charles Nodier est décédé le 27 janvier 1844.

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