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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 novembre [1843], lundi matin, 10 h.

Bonjour mon cher petit bien-aimé. Bonjour, bonjour je t’aime. Comment vas-tu, mon adoré ? Moi j’ai un grand mal de tête mais je sais à quoi cela tient. Vous n’avez pas tenu compte de mes prières et de mes avertissements, ça fait que vous arriverez trop tard, en supposant que vous arriviez, ce dont je doute très fort à présent. Claire est repartie il n’y a pas longtemps. Lanvin est venu la chercher tard et il avait encore les rideaux du cabinet à déposer auparavant de s’en aller. Quant à la reconnaissance il m’a dit qu’il ne pourrait l’aller chercher que demain. Voilà, mon petit Toto, les grandes nouvelles de ce matin.
Je suis très contente de ma fille ; Dieu veuille que cela se soutienne ainsi toujours. Puisque tu y consens, mon cher petit bien-aimé, je vais faire venir le fameux Jacquot. Ce sera une surprise pour la première fois qu’elle viendra. Et puis, en même temps, un débarras pour ma pauvre sœur qui a bien assez de ses trois enfants et de son mari pour l’occuper. Je vais lui écrire tout à l’heure.
Je voudrais bien vous baiser à la place des choses insignifiantes que je vous gribouille dans ce moment-ci. Mais, hélas ! vous ne vous prêtez pas beaucoup à cette fantaisie. Plus nous allons en avant et moins vous vous prêtez à mes exigences. C’est logique mais ça n’est guère encourageant. Taisez-vous. Si je vous offense c’est votre faute. On ne laisse pas une pauvre femme tout un grand mois sans lui donner de ses nouvelles. Vous mériteriez que je vous dise toutes sortes de gros mots. Je ne vous en dis que deux : je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 19-20
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


6 novembre [1843], samedi soir, 4 h. ½

Je t’attends toujours, mon pauvre bien-aimé, et je t’aime toujours. Voilà les deux occupations de ma vie. Je ne m’en plains pas car telle que tu me la fais la vie, je la bénis et je demande au bon Dieu de me la conserver toujours ainsi si tu m’aimes.
La journée a été assez belle aujourd’hui et j’en suis doublement contente à cause de tes vieilles bottes. J’ai écrit justement à Dabat aujourd’hui de t’en faire une paire à Liège. J’ai écrit aussi à Brest. Ainsi, le sort en est jeté, et dans quelques jours nous serons augmentés d’un Jacquot gris. Je crains que Cocotte et lui ne fassenta pas bon ménage et qu’il ne faille les séparer au plus vite. Dans ce cas-là, je demanderai un asileb à Dédé pour l’un des deux, celui qui sera le moins maussade. Ma pauvre péronnelle est loin de s’attendre à cette surprise. Quant à celle du cabinet de toilette je ne crois pas qu’on puisse la lui faire avant la fin de l’année prochaine. Les Lanvin et les dégraisseurs n’aident pas beaucoup à dépêcher la chose. Suzanne est allée dans ce moment-ci lui porter les rideaux à faire blanchir. Moi je t’écris au clair de lune avec un mal de tête fou et un feu qui ne veut pas s’allumer. Je vais m’approcher de la fenêtre sous prétexte d’y voir plus clair mais en réalité il fait nuit noir partout.
Je ne suis pas bonne à grand-chose ce soir, mon adoré. J’ai une migraine atroce. Il est vrai que pour l’usage que vous en faites de ma santé, peu importe comment elle est. Il y en aura toujours de trop pour votre consommation habituelle. Taisez-vous vilain et baisez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 21-22
Transcription de Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « fasse ».
b) « azile ».

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