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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 décembre [1843], jeudi matin, 11 h.

Bonjour mon Toto, bonjour mon cher petit Toto. Bonjour, je t’aime, je t’aime, je t’aime. Je ne sais comment te remercier, tu as été bon comme le bon Dieu hier pour cette pauvre enfant et pour moi. Je voudrais être un ange mon Victor pour t’adorer. Je ne suis qu’une pauvre Juju mais je t’aime de toute mon âme.
Je te dirai que M. Cox-ci-grue [1] va un peu mieux ce matin. Je ne peux pas encore le voir de face mais les trois-quarts me réussissent assez bien.
J’ai eu toutes les peines du monde à m’endormir cette nuit mais je me suis bien rabibocher le matin. En somme je vais très bien et M. Chose aussi !
Je poserai mes rideaux aujourd’hui et puis je prendrai un bain tantôt et puis il n’y paraitra plus. Vous pourrez venir me voir mon Toto, vous me trouverez très gaillarde malgré ma chute. Je vous assure que la vieille [illis.] ne tombe pas de meilleure grâce que moi et ne supporte pas plus héroïquement les meurtrissures d’une chute.
Jour Toto, jour mon cher petit o, je vous aime qu’on vous dit et vous m’aimez-vous ? Il ne me suffit pas peu que vous soyez le meilleur et le plus beau des hommes, je veux que vous soyez mon amoureux. J’y tiens comme [roche ?] à fer et à clou. Je veux que vous m’aimiez comme un enragé ! Je veux que vous me le prouviez de la bonne façon et que vous veniez tout de suite me baiser à tire-larigota. En attendant, vous êtes mon Toto bien-aimé que je baise et que j’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 219-220
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « tire larigo ».


28 décembre [1843], jeudi soir, 10 h.

J’ai fait tout ce que tu m’avais dit mon bien-aimé. J’ai pris un bain de pieds, un bain de trois heures au son plus une omelette saur la tête pour me décrasser les cheveux pendant que j’étais au bain. Avec tout cela mon bel ange je me sens à ravir et je peux presque m’asseoir comme tout le monde.
Mais toi mon cher adoré que fais-tu ? Que deviens-tu ? Comment va ton mal de tête ? Je crains que tu ne te sois forcé à faire tous les comptes aujourd’hui, y compris ceux de tes actionnaires et que tu n’aies augmenté encore le mal de ta pauvre tête. Quoi que tu en dises, mon cher petit homme, il est bien dangereux de fatiguer une tête malade par cet affreux temps lourd et humide. Toi plus que personne tu devrais prendre cette précaution. Je crains que tous ces comptes ne te retiennent bien tard et même j’ai une peur atroce que cela ne t’empêche de venir du tout. Si cela était je ne sais pas ce que je deviendrais toute la nuit. Si peu que je te voie, je suis habituée à ce petit contingent de bonheur et puis c’est une tranquillité pour moi si cela me manquait ce soir, surtout où je suis si inquiète de toi. Je ne pourrais fermer l’œil de la nuit. Tâche de venir mon Toto bien-aimé et surtout tâche de n’avoir pas augmenté ton mal de tête. Je serai bien heureuse si tu ne souffres plus et si je te vois bientôt. Mon Toto adoré je t’aime, tu ne peux pas le désirer plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 221-222
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Jeu de mots probable sur « coquecigrue » (baliverne, sottise). L’allusion nous échappe.

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