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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 décembre [1843], jeudi matin, 11 h.

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour mon adoré petit homme, bonjour ma vie, ma joie, mon âme, mon tout, bonjour, bonjour.
As-tu pris quelque repos cette nuit ? Hélas ! J’en doute pour toi, les nuits se suivent et se ressemblent, pauvre ange, tu travailles sans relâche. Par compensation moi je ne fais rien, ce qui ne m’empêche pas de me plaindre et de trouver ma vie difficile. C’est que pour moi te désirer et t’attendre, ce sont deux occupations pénibles à remplir. J’aimerais mieux travailler comme un chien et te voir plus souvent. Je donnerais avec joie la moitié de ce qui me reste à vivre pour ne pas te quitter l’autre moitié. Tu sais que ce ne sont pas des mots banals que je te dis là, n’est-ce pas mon adoré ? Tu sais bien que c’est la sainte vérité.
Tu dois avoir encore aujourd’hui un tas d’encombrements et par-dessus tout ça une séance à l’Académie ? Il n’est guère probable que je te voie avant ce soir, si je te vois ce soir ? Il faut que je rassemble mon courage et ma résignation d’avance pour ne pas être méchante quand tu viendras. De ton côté, mon adoré, tâche de venir le plus tôt que tu pourras. Tu sais que ce n’est pas seulement impatience chez moi mais une souffrance réelle du cœur tant que je ne te vois pas. Pense à moi mon cher petit, plains-moi et aime-moi. Je te le rendrai que de de reste. Je baise tes chers petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 191-192
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette


21 décembre [1843], jeudi soir, 5 h. ¼

Je voudrais cependant bien te dire quelque chose de drôle et qui ne ressemble pas à mon antienne de tous les jours. Si je te disais que je ne t’aime plus, que je trouve laid, bête et vieux, que je ne te désire pas et que tu me contrarierais extrêmement si tu venais tout de suite, cela aurait le mérite de la nouveauté à défaut de celui de la vérité. Malheureusement cela ne me soulage pas le cœur et j’en suis toujours pour mon éternelle solitude et pour mon éternel amour. Tout cela n’est pas nouveau mais n’en est que plus triste.
Je suppose que tu es à l’Académie parce qu’il faut bien que ma pensée aille te trouver partout où je crois que tu es. Il arrive souvent que, de loin comme de près, je te trouve… absent. Mais ce n’est pas ma faute, je me rends cette justice à moi-même.
Jour Toto, jour mon cher petit o, je ne suis pas très amusante n’est-ce pas ? Mais c’est qu’en conscience je ne suis pas très amusée non plus. Mais je t’aime, voilà ce qui surnage de toutes ces impatiences, de tous ces ennuis, de tous ces supplicesa. Je suis comme les anciens martyres, rien ne peut me faire renier mon Dieu, m’affaiblir ma religion pour vous.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16353, f. 193-194
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « supplices ».

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