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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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8 décembre [1842], jeudi matin, 11 h. ¾

Bonjour, mon cher bien-aimé ! Bonjour, je t’aime. Je te dis toujours la même chose, mon pauvre amour, mais ce n’est pas ma faute, c’est la tienne, puisque tu as pris la place de tout dans la tête, dans le cœur, dans l’âme, dans tout je n’y trouve que toi et toujours toi, c’est à dire mon amour. J’espère que tu n’auras pas donné suite à ton projet de promenade nocturne et que tu seras rentré chez toi te coucher, mon pauvre amour, et te reposer ? Moi, je passe mes nuits blanches à la lettre, ce qui me fatigue beaucoup. Je ne sais vraiment qu’y faire car je ne me couche cependant pas de très bonne heure et je ne me lève pas trop tard relativement. Je ne sais pas d’où ça dépend, tant pisa. Je crois cependant qu’il n’en serait pas ainsi si tu venais coucher avec moi toutes les nuits. J’en suis même bien sûre car je n’ai jamais eu d’insomnies à côté de vous. Vous voyez donc bien que c’est encore votre faute. Taisez-vous, brigand. Pendant que j’y pense, mon amour, il faut que je vous dise que je n’ai plus de papier que pour aujourd’hui et qu’il faudra absolument m’en apporter la nuit prochaine. La mère Lanvin n’est pas encore venue mais je suis sûre qu’elle ne tardera pas. Je finis ma lettre par où je l’ai commencée. Je t’aime, mon Toto adoré. Je t’aime plus que de toutes mes forces et de toute mon âme et plus que tous les superlatifs de la nature. Je t’aime. Viens bien vite et tu verras dans mes yeux, dans mes baisers et dans tout mon moi combien c’est vrai.

BnF, Mss, NAF 16350, f. 261-262
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « tant pire ».


8 décembre [1842], jeudi après-midi, 1 h. ¾

Je t’écris levée, mon cher amour, en attendant la mère Lanvin qui est au Mont-de-Piété. Je n’ai pas encore déjeunéa, ce qui ne m’arrange pas comme tu le devines à cause de la dimension toujours croissante de ma GUEULEb. J’ai envoyé chez le bijoutier, mais je crois qu’il nous faudra renoncer à faire raccommoderc la croix à cause du prix exorbitant qu’on demande pour ça : vingt francs !!! Et encore ne pourrait-elle pas s’ouvrir. J’ai pour te montrer différentes petites croix d’or ouvrantes de tous les prix, nous choisirons ensemble celle qui convient pour Claire. Je t’ai déjà dit ce matin, mon amour, que je n’avais plus de papier, je te le répète et je te prie de m’en apporter la nuit prochaine. N’y manque pas. D’ailleurs, j’ai besoin de vous encore POUR AUTRE CHOSE. Je compte sur vous, mon cher petit homme, n’allez pas me manquer. Est-ce que ça n’est pas aujourd’hui la réception de ce hideux Pasquier [1] ? Si je savais ça et si j’étais sûre que vous y soyez, j’irais déjeuner au bois de Boulogne [2] avec plusieurs de mes AMIS pour vous apprendre à faire la roue en publicd. À propos de ce stupide récipiendaire, prenez garde que je ne me venge à la fin de toutes vos trahisons et de toutes vos turpitudes. Toto, prenez garde à vous et à mon grand couteau.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 263-264
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « déjeuner ».
b) « GEULE ».
c) « raccomoder ».
d) « publique ».

Notes

[1Il s’agit Étienne-Denis Pasquier.

[2Juliette menace fréquemment Hugo, jaloux d’elle, d’aller se promener seule au bois de Boulogne lorsqu’il vient peu la voir ou lorsqu’elle craint qu’il ne lui fasse des infidélités.

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