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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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29 décembre 1837, vendredi matina

Avant de t’écrire, mon adoré, j’ai fait faire ta commission. Voici le résultat : la bague sera émaillée à neuf et la perle remontée plus solidement pour dimanche matin moyennant cinq francs. J’ai adhéré tout de suite à une condition. Maintenant il s’agit de savoir si le bijoutier sera exact.
Je vous aime mon Toto et vous persistez toujours dans votre indifférence. Je vous attendaisb ce matin, vous n’êtes pas venu. Ce n’est pas d’un bon présage pour l’année 1838. Est-ce que le bon temps des amours ne reviendrac plus jamais pour nous ?
Mon Dieu je t’aime pourtant plus et mieux que jamais mais cela ne suffit pas. Je crains de t’obséder à force de te dire ce que je sens. Voilà où j’en suis réduite depuis que tu ne m’aimes plus ou que tu m’aimesd moins ce qui d’après ton propre aveu est la même chose.
Il n’y a pas de quoi être très gaie n’est-ce pas ? Cela ne m’empêche pas de t’aimer au contraire. Je vais écrire à Jourdain. Je ne sais pas l’heure qu’il est parce que ma pendule s’est arrêtée à 8 h. Je vais me lever toujours. J’ai beaucoup de choses à faire. D’abord vous aimer, ensuite vous aimer et enfin vous aimer. Je t’aime, je t’aime, je t’aime.

Juliette

29 décembre 1837
Copie
donnée à madame
Lucienne Deshayes
28 rue des Gravilliers [1]
à Paris

BnF, Mss, NAF 16332, f. 224
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) La lettre n’est pas de la main de Juliette. Il s’agit d’une copie ou d’une transcription.
b) « attendai ».
c) « reviendras ».
d) « m’aime ».


29 décembre [1837], vendredi soir, 5 h. ½

C’est pour M’HUMILIER touta en magnificences ? Eh ! bien soyez puni par où vous avez péché car cela me fait plaisir, hin ! c’est bien fait. Mais comme il n’y a pas de plaisir sans peigne [2], je vous dirai que je suis triste que vous passiez vos nuits et les miennes pour me gagner des étrennes. J’aimerais mieux coucher une nuit avec vous et me passer d’étrennes toute la vie. Si vous ne me croyez pas c’est que vous ne m’aimez pas comme je vous aime. Oh ! c’est bien vrai mon Toto adoré que j’aimerais mieux une nuit passéeb dans tes bras que tous les bijoux du monde. Cependant, je comprends tes bonnes intentions et si je ne les approuve pas entièrement je partage ta joie et ta sécurité en voyant diminuer une dette qui nous coûte si cher à entretenir. Ainsi cette année, si tu persistesc dans tes idées, nous aurons diminué notre dette de 301 F. en 7 reconnaissances, c’est-à-dire 30 F. de moins par an à jeter au mont-de-piété. C’est bien quelque chose, mais si j’avais le choix j’aimerais mieux tout vendre et ne rien payer et avoir plus le temps de voir ton adorable figure et baiser tes pieds si petits que c’est bon pour une femme en petits pieds. Là si je vous les laisse c’est que je suis bien bonne et pour me récompenser il faut me les apporter à baiser tout de suite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16332, f. 225-226
Transcription de Sylviane Robardey-Eppstein

a) « toutes ».
b) « passé ».
c) « persiste ».

Notes

[1Dans l’Almanach du commerce de Paris (année 1837), on trouve un grand nombre de bijoutiers à cette adresse, mais aucun au nom de Deshayes. Cette femme habitait peut-être dans les parages. La rue des Gravilliers, située dans le 3e arrondissement, se trouvait au Passage de Rome.

[2Orthographe intentionnellement erronée pour « peine », pour en altérer la prononciation et jouer sur les mots.

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