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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 mars 1837

26 mars [1837], dimanche midi

Bonjour, mon bien aimé, jour. Je suis dans une atmosphère de fumée grasse qui m’empêche de voir ce que je t’écris.
Je n’ai jamais rien vu de plus bête que cette affreuse servante. Ah ! Dieu quelle fumée, comme c’est agréable d’être forcée de s’occuper de ses yeux et de sa gorge quand on a le cœur plein d’amour qui déborde. Mon bon et cher Toto, je vous aime. J’ai bien rêvé de vous toute la nuit, vous étiez bien bon et bien amoureux, malheureusement ce n’était qu’un rêve, mais ce qui est la vérité des vérités, c’est que je vous aime de toute mon âme, c’est que vous êtes le but de toutes mes actions, la préoccupation de toutes mes pensées. Mais rien de ce que vous me dites n’est perdu. J’amasse avec le plus grand soin et je conserve avaricieusement toutes les belles choses que tu laisses tomber dans ma mémoire, vide, jusqu’à toi, de tout ce qui est beau et bon. Grâce à toi j’entrevois les merveilleux rayons de l’esprit humain, mon ignorance ne me permet jamais d’en fixer le soleil sans éblouissement. Ô que je t’aime c’est bien plus que vrai, je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 315-316
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette


26 mars [1837], dimanche après-midi, 2 h.

C’est aujourd’hui fête pour tout le monde, c’est toujours fête pour moi quand je te vois, mais aussi aucune fête ne compte dans ma vie sans toi, mon cher bien-aimé. Je suis triste et pensive dans mon coin, j’ai besoin de te voir pour me dérider un peu ou bien je resterai dans cette disposition jusqu’à ce que tu viennes.
J’ai regardé notre petit tableau au grand jour, je le trouve encore plus joli qu’à la lumière. Tu as décidément fait un très bon marché.
J’ai reçu une lettre de l’insipide Mme Guérard pour me dire qu’elle m’enverra une loge demain pour voir ARNAL, il aurait été assez simple d’attendre qu’elle l’ait pour m’écrire, mais cette femme est si bête qu’elle ne sait rien faire. À propos, n’a-t-elle pas le front de demander deux places pour elle et son hideux mari la première fois qu’on donnera la ESMERALDA [1]. Heureusement que nous saurons trouver un refus honnête, cette femme serait capable d’abuser jusqu’à la grossièreté des bonnes grâces qu’on se doit dans le monde si on la laissait faire. Mais j’ai bien autre chose à te dire, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime. Viens vite si tu peux et pense à moi au milieu de toutes tes préoccupations.
Je baise ton beau front et toute ta ravissante petite personne. Jour, jour, on jour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 317-318
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

Notes

[1L’opéra de Louise Bertin La Esmeralda a été créé en 1836 à l’Opéra.

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