Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1837 > Mars > 1

1er mars [1837], mercredi matin, 11 h. ½

Bonjour le petit homme, jour le petit oto. Je me suis endormie [encore  ?] bien tard cette nuit, aussi je me réveille toute malingre.
J’aurais besoin de faire un petit voyage avec vous pour reprendre des habitudes morales de dormir, et pour retrouver mon équilibre. Mais vous ne voulez pas, vous vous y opposez de tout votre pouvoir au risque de me faire mourir pour tout de bon.
J’ai envoyé ce matin chez Mme P. [1], en même temps la bonne qui a rencontré la cuisinière de Mme K [2]… s’esta informée à elle de la manière dont on accommode les bigornes. Maintenant qu’elle le sait, on va les faire cuire et vous en mangerez pour l’amour de moi et en expiation des injures atroces que vous avez dites contre notre pauvre vieille Bretagne.
J’ai bien pensé à vous toute la nuit, je vous voyais arpentant le Champ de Mars comme un petit cheval échappé, sans crainte des voleurs et des patrouilles, ce qui est deux fois imprudent.
J’espérais que vous auriez la bonne inspiration de me venir voir, mais point du tout, vous n’avez pas même tourné le bout de votre nez dans la direction de mon logis. Vous êtes une vieille bête et vous avez trente-cinq ans 2 jours et plusieurs heures [3]. Si je voulais, j’aurais le droit de ne plus vous aimer, parce que vous êtes trop vieux à présent et hors d’état de faire votre Service dans la garde nationale de Juju, cependant comme je suis bonne princesse je vous garderai avec le titre de Vieux Toto, de vieux bonhomme et de mon chéri adoré vieille bête.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 221-222
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « c’est. »


1er mars [1837], mercredi soir, 9 h.

Comme je te l’avais dit tout à l’heure en te quittant, mon Toto bien aimé, je suis restée chez moi toute seule. Me [sentant  ?] le besoin de penser à toi avec recueillement, j’aime mieux la solitude. D’ailleurs j’ai une répugnance invincible à aller sans toi au théâtre. Convenez que vous avez été bien butor tantôt et que moi, au contraire j’ai été très charmante. Convenez-en, car vous savez, péché avoué est à moitié pardonné, mais moi je vous le pardonnerai tout à fait, d’autant plus que le bon Dieu s’esta mêlé de vous faire une petite leçon tantôt à propos de cette charmante statuette changée en hideux bonhomme peint et [illis.] à l’huile. Heureusement que toutes les mystifications ont finib à la satisfaction générale. Je suis d’avis que nous nous embrassions pour finir dans un carillon d’amour furieux. Jour mon petit homme. Jamais je ne t’ai plus aimé, c’est que jamais non plus tu n’as été plus tendre et plus charmant. Tout à l’heure je regardais la soupièrec, je t’assure qu’à la lumière elle ne fait pas mal du tout et que si comme tu en as eu l’idée on peut y mettre des attaches d’argent, ce sera d’un genre un peu éblouissant. C’est ce que nous saurons demain.
Je vais écrire à Mme Krafft pour lui dire que tu donnes le choix à son musicien dans tous tes volumes de poésie. Ce sera toujours une espèce de pierre d’attente pour le reste. J’ai envie d’écrire en même temps à Mlle François.
J’espère que tu viendras de bonne heure, c’est ce qui fait que je t’attends avec tant d’impatience et tant d’amour.
Jour un vieux chien, jour un gros chat. Vous êtes mon Toto chéri, je baise toute votre petite personne en détail et avec la plus grande tendresse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16329, f. 223-224
Transcription d’Érika Gomez assistée de Florence Naugrette

a) « c’est ».
b) « finies ».
c) « soupierre ».

Notes

[1Mme Pierceau.

[3Victor Hugo est né le 26 février 1802.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne