Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1837 > Avril > 16

16 avril [1837], dimanche, midi ½

Vous m’avez attrapéea, c’est très mal et vous aurez à m’en demander pardon. L’habitude que j’avais contractée depuis deux jours de me réveiller pour vous ouvrir la porte a fait que je me suis réveillée encore ce matin mais malheureusement ma peine a été perdue grâce à vous vilain Toto. J’ai été obligée d’ouvrir mes persiennes et de lire pour me rendormir, ce qui est cause que je me lève un peu plus tard. Pourquoi que vous n’êtes pas venu, vieux Toto ? Vous avez cependant été bien accueilli les deux fois que vous êtes venu, rien n’y manquait, il me semble, ni la joie, ni l’amour, ni le bonheur. Donc vous êtes une vieille bête tout bonnement à qui je tirerai le NEZ la prochaine fois que je la verrai. Pour vous punir j’ai rêvé de vous toute la nuit et de bons petits rêves encore. Heim… Vous bisquez, c’est bien fait, tant mieure ! J’attends aujourd’hui Mme Pierceau cependant je doute qu’elle vienne par ce temps-ci, dans le cas où elle viendrait vous me donnerez une loge pour ce soir. Je tiens beaucoup à revoir le général MARCEAU [1]. Jour mon petit homme, je vous aime. Vous êtes bien absurde de n’en pas profiter car je vous aime d’un bon amour bien tendre. Si vous venez cette nuit je me raccommodeb avec vous, sinonc je garde rancune et je fais une lippe de cette longueur-làd.
Jour je t’aime mon cher adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 55-56
Transcription de Chantal Brière

a) « attrappée ».
b) « racommode ».
c) « si non ».
d) Juliette trace un trait jusqu’au bout de la ligne pour illustrer la longueur de sa lippe.


16 avril [1837], dimanche après-midi, 2 h. ½

Je suis toute attristée, mon cher bien-aimé, de la mort de cette pauvre jeune fille [2] bien que je l’aie à peine connue mais cela ramène la pensée sur notre pauvre machine qui ne vaudrait pas la peine qu’on en prend si elle ne contenait pas un trésor précieux qu’on appelle amour et qui survit à elle dans un autre monde probablement meilleur que celui-ci. Je suis entraînée à te parler comme cela par un sentiment de tristesse qui s’est réveillé en moi tout à l’heure. Je te recommande, mon cher bien-aimé, avec la certitude que tu feras ce que je te disais, de veiller sur ma pauvre Claire si je venais à lui manquer avant son établissement. C’est une prière que je t’ai déjà faite et que je te renouvelle du fond de l’âme. Maintenant embrasse-moi, je t’aime, mon Victor bien-aimé, je t’aime de toutes les forces de mon âme. Je voudrais avoir une occasion de te donner ma vie, avec quelle joie je le ferais. C’est un aussi grand bonheur de mourir pour celui qu’on aime que de vivre pour lui. J’espère bien te voir bientôt mon cher adoré. C’est à peine si j’ai le temps d’admirera les reflets de tes beaux cheveux dans un rayon de soleil, il faut que tu reviennes très tôt, j’ai besoin de te baiser, il faut que je te caresse depuis tes petites beuttes jusqu’à ton grand chapeau. En attendant je travaille, je pense à toi, je t’aime et je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF, 16330, f. 57-58
Transcription de Chantal Brière

a) « amirer ».

Notes

[1A élucider.

[2Il s’agit de Gabrielle Dorval, la fille de l’actrice Marie Dorval, morte à 21 ans d’une phtisie. Victor Hugo assiste à ses obsèques ce jour-là au cimetière Montparnasse.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne