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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 janvier [1838], mercredi matin, 11 h.

Bonjour, toi que j’aime de toute mon âme, bonjour, mon adoré. Je n’avais pas beaucoup d’espoir de te voir cette nuit et cependant j’en éprouve un regret et une tristesse aussi vive que si c’était un désappointement. C’est toujours comme cela que je sens ton absence, mon chéri bien-aimé. C’est que ta présence pour moi c’est la vie, c’est l’air et le soleil. Voilà bien longtemps que mon soleil ne se prodigue pas. Aussi je suis malingre, souffrante et triste. Je ne suis pas ingrate pourtant car je sais bien, mon Toto adoré, que tu te dévoues nuit et jour pour moi, dévouement qui me désespère car il me prend le meilleur de notre bonheur, les heures que nous pourrions passer ensemble, nos heures de joie et d’amour. Quand je pense à cela, je pleurerais et je maudirais presque ton courage et ta persévérance. C’est que je t’aime tant, mon cher bien-aimé.
C’est aujourd’hui que Mme K. [1] doit venir. N’en prends aucun souci, mon adoré, mon cœur est tout à toi et ma vie est aussi pure que la tienne. Je n’ai que toi dans la pensée, que toi dans l’âme, et si je parle de quelqu’un, ce ne sera que de toi, ce sera pour t’admirer et t’adorer.
Je t’écris tout de suite ma grosse lettre parce que ce soir je ne veux pas faire perdre un mot de l’admirable pièce à ma pauvre Claire qui ne s’est mise en train de travailler que dans l’espoir de voir le Hernani [2]. J’ai encore bien mal à la tête, je compte sur lui pour me l’ôter. Ce ne serait pas la première fois que cela me serait arrivé en l’écoutant parler. C’est un fameux baumea que les beaux vers de mon Toto. Si vous en aviez goûté une seule fois, vous, vous ne voudriez plus autre chose.
Si vous étiez bien i vous viendriez tout de suite et vous resteriez jusqu’au soir n’avec moi. Mais vous êtes incapable de ce beau trait. Il y a bien longtemps que les actions d’éclat ne vous sont plus connues que par les autres. Autrefois vous enb faisiez à la douzaine chaque jour, c’est que vous m’aimiez dans ce temps-là de tous les amours possibles. À présent c’est bien différent, vous êtes l’homme le moins HÉROÏQUE et le plus VERTUEUX de France et de Navarre. Moi je vous adore comme toujours et je vous attends plus que jamais.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16333, f. 35-36
Transcription de Nathalie Gibert-Joly assistée de Gérard Pouchain

a) « beaume ».
b) « en en ».

Notes

[2Hernani est repris à la Comédie-Française les 20, 23, 25, 27, 29 et 31 janvier et les 6, 9, 12, 18, 21, 23 février.

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