Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1835 > BnF, Mss, NAF 16324, f. 122-123

Dimanche matin, 10 h. ¾

Bonjour, mon Toto, je vous aime. J’ai bien envie de vous voir. Si vous saviez comme je vous aime, vous trouveriez le temps de venir me voir mille fois par jour, sans compter la nuit. Si vous saviez quel besoin j’ai de votre amour, vous m’écririez à votre tour de grandes et bonnes lettres que j’apprendrais par cœur et que je coucherais avec moi en vous attendant. Mais vous ne sentez rien et vous ne devinez rien. Vous venez le moins possible et vous ne m’écrivez jamais. En revanche, vous écrivez à tous les Pierre Pons de la terre [1]. Si vous croyez que cela m’arrange, vous vous trompez. J’entends que, désormais, vous veniez tous les matins, tous les jours, toutes les nuits et à toutes les heures, que vous m’écriviez au moins une lettre pour trois lettres que vous écrirez à des individus mâles, car je n’admets pas que vous écriviez à d’autre femme qu’à moi. Ici, je représente le sexe féminin à moi toute seule, et je perçois un droit légitime sur toutes les lettres que vous écrivez à l’autre. Je ne veux pas plus longtemps vous aimer pour le Roi des armes parlantes que vous m’avez donné [2]. Ça veut dire, mon Toto, que je t’aime, que je ne te vois pas assez, que je suis jalouse et envieuse de toutes les lettres que tu écris à d’autres, qui que ce soit. Je voudrais que tu n’écrivisses jamais qu’à moi, que toutes tes pensées fussenta pour moi, tout ton temps, toutes tes paroles, à moi.
Je voudrais que tu fusses à moi comme je suis à toi. Je voudrais être aiméeb de toi comme je t’aime.

Juliette

Je ne comprends pas comment tu penses à faire des comparaisons entre toi et un autre homme, entre mon amour et celui des autres femmes. Jamais je ne cesserai de t’aimer, jamais je ne pourrai me séparer de toi. Ça n’est pas si prosaïquec.

BnF, Mss, NAF 16324, f. 122-123
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « fusses ».
b) « aimé ».
c) « si prosaïque » est souligné deux fois.

Notes

[1À élucider.

[2En héraldique, on appelle « armes parlantes », les armes ou armoiries comportant des figures, qui par leur nom ou leur image, évoquent plus ou moins directement le nom (parfois la fonction) du possesseur de ces armes. Nous ne savons pas qui désigne Juliette en évoquant « le Roi des armes parlantes ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne