Mercredi, 2 h. ¼ après midi
C’est un miracle de l’amour ! mais un fait certain, c’est que je souffre moitié moins depuis ce matin. Cependant, je ne suis pas tout à fait contente. Nous nous sommes quittés sur une mauvaise pensée. Pauvre fille que je suis, je passe ma vie à attendre un bonheur qui ne vient pas, qui ne viendra jamais, c’est ta confiance en ma probité. Je ne veux pas, je ne peux pas te tromper. Je pourrais plutôta cesser de t’aimer quoique ceci ne soit pas possible non plus. Je t’aime, je t’aimerai toujours et tant que je t’aimerai, tu n’as rien à craindre de moi. Je voudrais que tu en fussesb bien persuadé. Il me semble que nous gagnerions tous les deux à cette confiance ; toi, la tranquillitéc, et moi, la récompense de mon amour, car je ne t’aime que pour être honnête, je ne suis honnête que parce que je t’aime.
J’ai retenu Mme Lanvin à dîner. Elle était venue pour réclamer la promesse que je lui avais faited dans le temps, de la mener à la 1re représentation de ta pièce. Et puis en même temps, elle venait savoir comment tu comptais utiliser Lanvin. Elle paraît attachere une énorme importance à assister d’esprit et de bras à ton succès.
Et puis, vilain jaloux, je vous embrasse de toutes les forces de mon âme. Je ne comprends pas qu’on soit jaloux. J’aimerais un homme, moi, que je n’en serais certainement pas jalousef.
BnF, Mss, NAF 16323, f. 223-224
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « plus tôt ».
b) « fusse ».
c) « tranquilité ».
d) « faites ».
e) « attachée ».
f) « jalouse » est souligné trois fois.