17 juillet 1860

Guernesey, 17 juillet 1860, mardi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, je t’aime et vous ? Je crains que tu ne sois mécontent de mon achat imprévu et imprudent d’hier quoique je ne le ferai pas peser sur toi, dussé-je^a grignoter longtemps du vieux bouilli tout sec. Mais j’ai été entraînée à ce marché sans presque m’en douter. Je voulais donner une espèce de conseil à Marquand en lui faisant comprendre qu’il devait être trop heureux d’avoir à si peu de frais un très joli souvenir de la tombola de M^me Hugo [1] et je me suis enferrée dans mon argument. Je ne le regretterais pas si je ne craignais pas de te contrarier. Du reste c’est le moment de te rappeler ton excellent et philosophique aphorisme : C’EST AVEC DE PETITS MALHEURS QU’ON VACCINE LES GRANDES CATASTROPHES. Je me suis inoculée pour quinze francs de calamités [illis.] tout une autre fois je [illis.] moins prodigue envers [illis.] hasard menaçant et surtout je me méfierai un peu plus du grigou papa lapin. En attendant, je ne veux pas que tu sois fâché contre moi ou je me fiche des coups. Voyez si ça vous convient et puis souriez-moi tout de suite ou je vais pleurer [illis.] ma loustiquerie factice ne tiendra pas longtemps devant votre sourcil froncé. Cher adoré, je conviens que je fus bête, imprudente et jobarde. Pardonne-moi et aime-moi tout de même et encore plus POUR M’APPRENDRE. Je t’adore.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 187
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « dussai-je ».
b) « bazard ».