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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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16 octobre [1843], lundi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour mon ravissant petit homme, bonjour, bonjour, je t’aime. Ne souffre pas mon adoré, je t’aime de toute mon âme.
Quel charmant portrait que le portrait de Dédé ! Quellea belle tête grave et douce. Je t’envie, mon Toto bien-aimé, d’avoir ce portrait. Je voudrais qu’il fûtb à moi, c’est-à-dire je voudrais en avoir un pareil. Il est bien fâcheux qu’on ait perdu celui de Toto puisqu’il était bien réussi. Mais, entre nous, je crois que ce portrait n’est pas perdu pour tout le monde et que, le Bisson [1] tout le premier, sait à quoi s’en tenir mieux que nous sur cette prétendue disparition. Du reste, cela ne fait que redoubler le désir que j’ai de [illis.] autour de moi ta ravissante petite figure par la facilité qu’on a maintenant de faire des portraits à peu de [illis.]. Auparavant, je le désirais autant qu’à présent, mais comme on désire une chose presque impossible et qu’on sait qu’on ne peut pas avoir. Cette fois ce n’est plus ça et je veux ton cher petit portrait absolument, je le veux, je le veux. Tu me le donneras pour mes étrennes, c’est convenu et je donnerai le mien à Claire pour les Reines, c’est convenu aussi. Pauvre Claire, il y a déjà une heure qu’elle est repartie avec Lanvin pour la pension. Elle m’a fait de bonnes promesses et j’espère qu’elle les tiendra. Il est impossible de marquer plus de désir de bien faire et de témoigner de plus d’affection pour moi qu’elle ne le fait. Ta confiance en elle lui porte bonheur. Pauvre petite bien-aimée, après toi, c’est mon seul bien, mon seul souci et ma seule joie en ce monde. Elle doit m’écrire à la fin de la semaine pour me dire qu’elle a bien travaillé ; en même temps, elle m’enverra la note du trimestre. Mais ne sois pas triste, mon adoré, du moins ne souffre pas. Je t’en suppliec du fond de mon cœur dont tu es la vie et le bonheur. Je baise ta ravissante petite bouche et ta pauvre petite oreille.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 211-212
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

a) « quel ».
b) « fut ».
c) « suplie ».


16 octobre [1843], lundi soir, 9 h.

Mon adoré, je ne te remercie pas, je ne t’aime pas, je ne t’adore pas, je ne suis pas comblée, je ne suis pas ravie, je ne suis pas heureuse. Je hurle, je trépigne, je suis enragée, je voudrais te manger tout vif. Quel beau meuble et quelle surprise, mon Toto ! Car, malgré tout ce que je te disais, mon Toto, je n’y croyais pas. Ce meuble est une merveille tout bonnement. Je hurle d’être à demain matin pour le fourbir et le décrasser à mon aise ; mon pauvre adoré, je te remercie du fond du cœur pour la grâce charmante avec laquelle tu as satisfait un désir qui pourrait ne pas paraître raisonnable à d’autre dont le cœur serait moins doux, moins bon, moins aimable et moins généreux que toi. Je te remercie avec effusion, mon amour, je te remercie le cœur plein de joie et de reconnaissance, je t’aime, je t’aime, je t’aime et bien plus encore que je ne peux te le dire quand je passerais ce qui me reste à vivre à ne te dire que ces deux seuls mots : je t’aime.
Mon bon Victor adoré, ma joie serait sans envers si tu avais ton pauvre cœur moins affligé [2]. Je me reproche même ce moment de bonheur cependant que tu es triste et malheureux. Tu mets tous tes soins à me cacher ce que tu souffres ; mais un regard, un geste, un soupir me le révèle, mon pauvre père adoré et alors je sens mon cœur qui se fond de pitié et d’amour. Je voudrais mourir pour toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16352, f. 213-214
Transcription d’Olivia Paploray assistée de Florence Naugrette

Notes

[1À élucider.

[2Léopoldine, fille de Victor Hugo, est morte le 4 septembre, noyée dans la Seine.

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