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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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27 juin 1842

27 juin [1842], lundi matin, 10 h. ½

Bonjour mon Toto bien-aimé, bonjour mon amour chéri, comment va ta chère petite main, comment notre petit bien-aimé a-t-il passé la nuit ? Tu ne veux donc plus venir jamais mon Toto ou bien est-ce le coiffeur et tous les arias du samedi qui t’ont effrayé ? Mais, mon cher petit bijou d’homme, nous pouvons très bien déjeuner ensemble et recevoir tous les coiffeurs et toutes les blanchisseuses de la terre sans nous gêner. Mais demain il n’y aura plus de [illis.], il faudra bien enfin vous montrer dans le costume d’un baigneur russe prêt à souffrir les jouissances du bain national [1]. En attendant je vous ai fait acheter une brosse à dents et de la lavande que je partage avec vous ; si vous n’en trouvez pas assez, on ira vous en rechercher à la halle, cela coûte moitié moins cher que dans la rue. Mon petit homme chéri, vous sentez bon, vous êtes blanc et rose, vous êtes doux et velouté et vous fondez dans la bouche comme une bonne pêche, mais on ne peut pas vous toucher sans vous enlever votre fleur et sans vous meurtrir comme ce ravissant bras dont vous êtes l’image. Toute chose, même les plus belles et les meilleures, ont leur inconvénient. Le vôtre, c’est d’être trop douillet et de ne pas vous laisser caresser à bouche que veux-tu, avec les lèvres et les dents. Mais cela ne m’empêche pas de vous dévorer....... des yeux et de vous adorer dans l’âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 185-186
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


27 juin [1842], lundi après-midi, 4 h.

Encore une corvée de passée, mon pauvre bien-aimé, corvée bien ennuyeuse et bien triste quand on y pense sérieusement. En voilà pour huit jours puisque tu ne veux pas, ou plutôt puisque tu ne peux pas m’accorder la subvention quotidienne d’un MERLAN. [2] Je voudrais bien savoir, mon cher amour, comment tu as passé la nuit ainsi que le petit garçon, et savoir comment va ta main. J’espère que tu vas venir bientôt car tu devines que l’opération est finie et refinie depuis longtemps. Même si tu viens assez tôt, nous pourrons mener Clairette à la pension et nous serons après cela tout à nous et entre nous. Peut-être alors que tu viendras plus souvent te reposer auprès de moi, mon cher petit bien-aimé, c’est ce qui me fait désirer que Claire rentre à la pension, quoique je doive rester seule tout à fait après son départ de la maison. Mais mon cher amour pour avoir la chance de te voir un quart d’heure de plus dans toute l’année, je me condamnerais à la claustration la plus solitaire et la plus ennuyeuse. Si tu sentais comme moi, mon cher adoré, je ne serais pas si souvent seule et triste. Enfin je t’aime trop de ce que tu ne m’aimes pas assez, voilà tout, tant mieux pour toi et tant pis pour moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 187-188
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Le 28 juin 1842, Victor Hugo est élu directeur de l’Académie française.

[2Merlan (argot) : coiffeur.

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