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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 6 février 1853, Nelson-Hall [1], 9 h. du soir

Cher adoré, c’est en ton nom et en souvenir des laborieuses et douces heures que nous avons passéesa ensemble dans ce logis que je t’écris ces quelques lignes [illis. [2]] comme disent les cartes de visiteb des gens qui s’en vont, et aussi pour te demander pardon d’un moment d’impatience causé par une excessive souffrance. Tu ne peux pas te figurer, mon pauvre adoré, ce qu’il me faut de courage pour lever mes bras en l’air et pour baisser ma tête en bas. Aussi cette journée tout entière passée à prendre sur des planches au-dessus de ma tête des choses très lourdes comme des draps et à les placer dans des malles posées à terre avait tout à fait épuisé mes forces et ma patience. D’autant plus que Suzanne, loin de me seconder, se dispense même du service le plus sommaire auprès de moi. Le zèle pour ta maison l’emporte sur toute autre considération. Je serais loin de blâmer ce dévouement dans toute autre circonstance mais, aujourd’hui, son dévouement pour toi allait jusqu’à la férocité pour moi. Je ne t’en rends pas responsable, mon cher adoré, bien loin de là et encore moins ta pauvre femme qui apporte dans tout cela une discrétion et une réserve angéliquesc que j’apprécie comme je le dois. Je te prie seulement d’oublier un mouvement d’impatience dont je n’ai pas été maîtresse et dont je me repensd en t’aimant de toute mon âme.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 141-142
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain

a) « passés ».
b) « visites ».
c) « angélique ».
d) « repend ».


Jersey, 6 février 1853, Nelson-Hall [3], 9 h. ½ du soir

Je ne sais pas comment cela se fait, mon cher petit homme, mais il m’est impossible de quitter sans regret la maison, le logis, la chambre dans laquelle je t’ai attendu, oùa je t’ai reçu, où je t’ai aimé, où je t’ai adoré, quels qu’aienta été pour moi d’ailleurs les inconvénients de l’habitation. Aussi pour avoir quelque chose de doux à qui confier mes adieux j’ai fait dîner avec moi ce pauvre petit garçon qui semblait comprendre d’instinct ce qu’il y avait de tendre et de triste dans les baisers que je lui donnais en pensant à nous et aux six mois d’amour écoulés dans cette petite chambre poétisée par ta présence et par toutes les grandes et sublimes choses que tu y as composées. J’ai gardé cet innocent enfant jusqu’à ce que le sommeil l’ait tout à fait envahi. Maintenant c’est à toi directement que j’envoie toutes mes tendresses et tous mes baisers. Cher adoré bien-aimé, quel que soit l’accueil qui m’attend dans l’autre maison, quelle queb soit la vie que Dieu m’y donnera, je n’oublierai jamais les heures d’amour et de bonheur que j’ai euesc dans celle-ci et j’en garderai jusqu’à la fin de ma vie le doux et reconnaissant souvenir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16373, f. 143-144
Transcription de Bénédicte Duthion assistée de Florence Naugrette et Gérard Pouchain
[Guimbaud]

a) « quelqu’aient ».
b) « quelque soit »
c) « eu ».

Notes

[1Juliette a décidé de quitter Nelson Hall, logement qu’elle occupe depuis le 12 août 1852, du fait de l’alcoolisme chronique et du caractère violent des propriétaires. Le 7 février 1853 elle s’installe « encore au premier étage, au-dessus d’une auberge, le Green Pigeon, appartenant à un certain Richard Landhatherland qu’elle appellera Inn Richland. », Gérard Pouchain et Robert Sabourin, Juliette Drouet ou la dépaysée, p. 274.

[2On croit déchiffrer « V.U.L. ». ou « U.U.L. »

[3Juliette a décidé de quitter Nelson Hall, logement qu’elle occupe depuis le 12 août 1852, du fait de l’alcoolisme chronique et du caractère violent des propriétaires. Le 7 février 1853 elle s’installe « encore au premier étage, au-dessus d’une auberge, le Green Pigeon, appartenant à un certain Richard Landhatherland qu’elle appellera Inn Richland. », Gérard Pouchain, Robert Sabourin, Juliette Drouet ou la dépaysée, Éd. Fayard, 1992. p. 274.

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