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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 juin 1842

19 juin [1842], dimanche matin, 10 h. ½

Bonjour mon cher bien-aimé, bonjour mon cher petit homme. Je suis bien triste et bien malheureuse de m’être endormie cette nuit puisque tu n’as pas voulu, sous ce prétexte, rester une seconde auprès de moi. Une autre fois, je ne me coucherai pas et je dormirai debout plutôt que de m’exposer à cette nouvelle mystification. Autrefois tu restais bien auprès de moi, quoique je fusse endormie, tu me donnais le temps de me réveiller et j’avais celui de prendre un peu d’amour et de bonheur pour ma journée du lendemain et pour ma nuit. Mais hélas ! autre temps, autre Toto. Enfin, je ne me coucherai plus. Ça fait que vous serez forcé de rester auprès de moi ou de m’avouer que vous ne pouvez plus me souffrir.
En attendant, je voudrais savoir comment va ce pauvre petit Toto et comment vous avez passé la nuit tous les deux, mes chers petits hommes [1]. Je suis capable de vous pardonner tous vos crimes si vous m’apportez la bien heureuse et la tant désirée nouvelle de la convalescence de ce pauvre petit ange. Voilà ce dont je suis capable. Très sérieusement, mon cher amour, car je ne veux pas rire sur une chose si triste, je serai la plus heureuse des femmes le jour où tu n’auras plus la moindre inquiétude au sujet de ce pauvre petit bien-aimé. Si cela pouvait être aujourd’hui, quel bonheur !!!

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 155-156
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


19 juin [1842], dimanche après-midi, 3 h. ½

Voici un bien vilain temps, mon pauvre adoré, pourvu qu’il n’influe pas sur ce pauvre petit malade et pourvu que tu ne te mouilles pas les pieds. Je n’y tiens pas. Ça m’est tout à fait égal, il fait toujours assez beau pour moi, mais pour vous autres, mes chers petits amis, ça n’est pas la même chose. Aussi je désire bien vivement le retour du beau soleil, pour mes chers petits vers à soie. Ma Clarinette est à vêpres, moi je suis toute seule, comme c’est mon devoir et mon habitude. Dites-donc mon cher petit bayadèrea, j’ai retrouvé votre [par  ?] de châle très bien placé dans le petit article de grognon [2] de Cassagnac. Cela va lui faire un bien immense. Tout le monde croira que c’est de lui tandis que c’est de vous et voilà comme les réputations se font et se fondent aux dépensb des autruis qui ont de l’esprit pour ceux qui savent s’en servir. Mâtin de chien. Mais aussi c’est votre faute, pourquoi voulez-vous que je vous écrive deux fois par jour. C’est le moyen de me faire dire deux fois plus de bêtises dans la journée. Taisez-vous, et moi aussi, ça vaudra bien mieux. Mais baisez-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 157-158
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « bayader ».
b) « au dépend ».

Notes

[1François-Victor, fils de Victor Hugo, se remet d’une maladie. Hugo pense avoir eu la roséole.

[2Jeu de mots sur le nom de Granier de Cassagnac.

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