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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 mai 1842

12 mai [1842], jeudi matin, 10 h. ½

Bonjour monstre de Toto, bonjour affreux bonhomme, bonjour académicien, bonjour être stupide, bonjour le plus vil des hommes décidément. Vous êtes bien revenu, n’est-ce pas ? Vous êtes gentil n’est-ce pas ? vous êtes aimable et adorable n’est-ce pas ? Voime, voime à côté il y a de la place aussi, je vous préviens que tous vos lâches procédés commencent à ne plus me monter l’imagination du tout. Vous feriez bien si vous tenez à me la monter d’en changer entièrement car je vous préviens que ceux-ci m’embêtent et m’agacent au dernier point. Ia ia monsire Matame che zuis exasbérée et che tonne ma tépissevie te vemme aimée, aimaple et aimante. Il n’y a bas te l’eau à poire tans set éclat.
Il fait un froid de loup ce matin. Hier il faisait chaud et charmant. Voilà comment les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Pour mieux faire mentir la justesse et la justice de ce proverbe vous devriez venir me chercher pour me mener sur la montagne. Je serai toujours très contente, je vous assure, et quelque temps qui fasse. Sur ce baisez-moi vilain monstre et aimez-moi si vous en avez le cœur, ce dont je doute très fort. Vous n’avez pas d’académie j’espère aujourd’hui. Tâchez donc alors de venir ou je me fâche tout rouge.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 35-36
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


12 mai [1842], après-midi, 3 h. ½

Quel froid, quel froid, mon Toto, c’est à ne plus savoir où on en est. Pour moi je fais faire force chaufferettesa ne voulant pas roussir mes cheminées sous aucun prétexte. Du reste je vous en veux autant que s’il faisait la plus grande chaleur du monde. Je vous trouve de plus en plus insupportable et pas très drôle. Voilà mon [illis.] est venue. Je lui avais dit de venir le 10 c’est aujourd’hui le 12 et votre serviteur tout mon cœur je lui ai dit de revenir demain en lui promettant plus de chance. Je dois aussi nos chapeaux, vous devez vos souliers. Bref nous sommes sur le velours de nos créanciers en attendant que ce soit leur tour d’être sur le nôtre. Dieu de Dieu quel froid de chien. J’aurais bien besoin de marcher et de battre la semelle pour me réchauffer un peu, je grelotte comme un chien malade. Ca n’est décidément pas très drôle. Toto est une vieille bête, Toto est un filou, Toto se terre comme une grisette [1], Toto se frise comme un garçon tailleur, Toto a l’air d’une poupée modèle, Toto est laid, Toto est ridicule, Toto est un académicien et tu ne veux pas me faire sortir, ah tu ne veux pas venir chez moi, ah tu ne veux pas m’aimer. Sois tranquille, je vais t’en faire une drôle de réputation et des gilets de taffetas rose pour quarante sous, tu peux compter sur moi vilain chinois.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 37-38
Transcription de Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « chaufrette ».

Notes

[1Jeune ouvrière peu farouche.

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