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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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21 mai 1872

Paris, 21 mai [18]72, mardi matin, 7 h.

Cher adoré, permets que sainte Julie te saute au cou en te souhaitant sa bonne fête aujourd’hui et pour toute l’année, et dans tes petits enfants, c’est-à-dire dans ta gloire, et dans ton bonheur. Maintenant que la dite sainte t’a donné en espérance toutes les plus belles fleurs de son paradis, je demande pour elle un tout petit cierge, long de quelques mots seulement, que j’allumerai à la flamme de mon cœur pour qu’il brûle et rayonne pendant toute l’éternité. Comme il est avec le ciel, et avec ses habitants, des ACCOMMODEMENTS [1], je te prie de prendre ton temps pour faire acte de dévotion à cette vieille sainte qui ne t’envoie cette première sommation, sans frais, que pour avoir le droit de l’exiger demain, dernier délai.
Comment as-tu passé la nuit, mon grand bien-aimé ? moi, assez bonne. Cependant je ne prendrai pas de bain ce matin à cause du temps qui est trop humide. Un bon feu de cheminée me sera, je crois, meilleur pour apaiser mes vieilles douleurs. Tu ne sais pas si tu as invité quelqu’un à dîner pour ce soir ? À tout hasard je ferai faire un dîner élastique.
Cher adoré je t’embrasse avec passion sur les joues roses de tes deux chers petits enfants.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 140
Transcription de Guy Rosa


Paris, 21 mai [18]72, mardi, 4 h. du soir

Je te remercie, mon cher bien-aimé, de lire dans mon âme tout ce qui est dans la tienne et de le traduire dans la langue sublime des anges, que tu parles couramment comme si tu avais toujours vécu parmi eux. Mes vœux sont les tiens, ma croyance la tienne, mes aspirations et mes espérances sont identiques à celles vers lesquelles se tourne ton âme. Je n’ai rien en moi qui ne soit de tout point conforme à tes propres sentiments. C’est pour cela que j’espère que nous arriverons ensemble au but suprême tout naturellement et sans effort aucun de ta part ni de la mienne. J’ai appris que tu avais eu une très mauvaise nuit et il n’en pouvait guère être autrement, hélas ! après la triste soirée que tu venais de passer. Je donnerais tout au monde pour faire cesser cette mésintelligence douloureuse entre toi et ta belle-fille [2]. Mais j’ai beau chercher, je ne trouve rien à dire et rien à faire là où tous tes efforts échouent. J’en souffre autant que toi, je te plains et je t’aime. Rapprochons nos cœurs plus que jamais afin de désarmer la mauvaise destinée à force d’amour.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 141
Transcription de Guy Rosa

Notes

[1« Le ciel défend, de vrai, certains accommodements », citation de Tartuffe.

[2Hugo est en désaccord avec sa belle-fille Alice au sujet de Mariette, la servante qu’elle veut chasser, et qu’adore Petite Jeanne.

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