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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Guernesey, 6 juilleta, [18]70, mercredi matin, 5 h. ½

Bonjour, mon cher bien-aimé, et bonjour aussi à Petite Jeanne quand vous serez éveillés, car j’espère que vous pioncez encore tous les deux à qui mieux mieux. Quant à moi, j’ai pris depuis quelque temps l’habitude de me réveiller à quatre heures, ce dont je ne me plains pas puisque cela me permet de lire Le Rappel [1] et surtout les articles hors lignes de tes deux fils à tête reposée. Aujourd’hui, celui de ton Charles sur l’Internationale. Est-il assez flamboyant et amusant ! Flourens dans le mur d’Olivier, Assi dans l’armoire de Schneider et Lepet dans l’alcôve de Napoléon III [2] ! J’en passe et des meilleures parce qu’il faudrait rappeler depuis le premier mot jusqu’au dernier de cet admirable article. Cette lecture si saine a le don de me ravigoterb jusque dans l’âme. Toutes les morosités de la nature et de l’esprit disparaissent devant ce radieux soleil d’esprit. Sans compter qu’il a les deux plus beaux enfants de la terre [3] et qu’il est ton fils ! Toutes les raisons du monde pour que j’en raffole. J’espère que le temps ne s’opposera pas à ce qu’ils reviennent tous samedi prochain [4]. En attendant je suis bien aise d’avoir ouvert ma maison à l’aimable Mme Oliver [5] qui justifie toute la sympathie que tu lui accordes [6]. Tout cela fait que je t’aime, je t’aime, je t’aime !

BnF, Mss, NAF 16391, f. 184
Transcription de Anne-Estelle Baco assistée de Florence Naugrette

a) « juin ».
b) « ravigotter ».

Notes

[1Quotidien français fondé le 4 mai 1869 à l’initiative de Victor Hugo par Charles et François-Victor Hugo, Auguste Vacquerie, Paul Meurice et Henri Rochefort. Si Victor Hugo ne faisait pas partie des rédacteurs officiels, sa lettre qui développait le programme du quotidien apparut en tête du premier numéro. Républicain et anticlérical, le journal incarnait la tendance radicale.

[2Journal Le Rappel, 3 juillet 1870, Chronique révolutionnaire, « L’Internationale » par Charles Hugo : le journaliste dénonce les mesures répressives prises par le gouvernement à l’encontre de l’Internationale ouvrière. Ces mesures font suite à la victoire du plébiscite du 8 mai 1870 qui donne l’approbation du peuple aux réformes libérales engagées par l’Empire. « Le triomphe ne suffit pas, il faut la victoire. La victime, c’est le socialisme, c’est-à-dire le monstre ; c’est l’Internationale, c’est-à-dire la bête noire. La bête noire justifie la terreur blanche. » Le socialisme est alors diabolisé et instrumentalisé pour faire de Napoléon III le juste souverain d’un gouvernement non pas violent mais providentiel. La citation à laquelle Juliette fait référence est le portrait moqueur dressé par Charles du « spectre rouge » : une société secrète aux espions multiples qui fomentent des complots dans l’ombre et infiltrent le gouvernement provoquant une paranoïa générale : « Souvent, la nuit, Ollivier se dresse sur son séant, il écoute et il entend Flourens dans son mur, Schneider s’éveille et il entend Assi dans son armoire, Napoléon III s’éveille et il entend Lepet dans son alcôve ! » 

[4Victor Hugo attend la visite de Charles Hugo, accompagné de sa femme Alice Lehaene et de leur fils Georges qui étaient à Jersey. Jeanne était restée avec son grand-père. Le mauvais temps les empêchera de venir avant le lundi 11 juillet.

[5À élucider.

[6La veille, Juliette recevait à dîner chez elle Mme Oliver.

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