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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Mardi après-midi, 1 h, 26 novembre [1839]

Bonjour, mon cher adoré Toto. Bonjour, mon pauvre petit homme bien-aimé. Comment vas-tu, mon cher bijou ? As-tu un peu reposé cette nuit au moins ? Car tu tombais de fatigue, de sommeil et d’épuisement cette nuit. C’était triste et admirable à voir que ta pauvre belle tête penchée et les efforts que tu faisais pour combattre le sommeil et pour le chasser. J’aurais donné de ma vie autant qu’on en aurait voulu pour pouvoir te donner cette nuit de repos dans mon lit en échange. J’ai honte vraiment de mon inutilité dans ce monde. Mon pauvre bien-aimé, je reçois tout de toi et je ne te donne rien, pas même le bonheur que la première femme venue donne à l’homme qui l’aime. C’est bien triste, bien triste, mon pauvre généreux petit homme et j’ai le cœur bien navré quand j’y pense. Tâche donc de m’employer à quelque chose, ne fût-ce qu’à te regarder pendant que tu travailles comme un pauvre chien toutes les nuits. Tu m’avais déjà promis que tu viendrais travailler à la maison et tu ne viens jamais. Il me semble que si tu travaillais auprès de moi, mon amour, mes yeux, mon âme auraient le pouvoir à ton insub de te délasser et d’empêcher tous les maux de t’approcher. [Essaye  ?] enfin. Si tu n’en éprouves aucun bien, moi j’en aurai un bien grand bonheur, ce sera donc une peine pas tout à fait perdue. Je t’en prie, mon Toto, donne-moi cette joie. Je souffre et je me fais des reproches comme si c’était ma faute que tu sois l’homme le plus admirablement bon et généreux et dévoué qui soit. Je t’aime, mon Toto, tu ne sauras jamais combien je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 93-94
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « fusse ».
b) « insçu ».


26 novembre [1839], mardi soir, 4 h. ½

Je suis toute malingre et toute souffrante. Je ne sais pas pourquoi car je ne fais rien pour cela. Il fait si mauvais que j’attribue mon malaisea au temps faute de mieux. Je suis bien contente, mon adoré, que tu te portes bien malgré tous les tours de force que tu fais faire à ta santé. J’en remercie le Bon Dieu et toute mon âme. J’aurais bien voulu voir la lithographie où vous êtes représenté si PRESSANT. Comme vous dites que ça vous ressemble, il est probable que vous avez posé pour que ce soit plus nature. Je voudrais savoir avec qui car il est de notoriété publique que vous [illis.] les VIEILLES femmes y compris l’Académie. Donc, il m’importe beaucoup de savoir dans qui et dans quoi vous prétendez entrer tout botté et tout [empaletoté  ?]. Il y a corps et corps et je veux être édifiée à cet endroit afin qu’il n’y ait pas de malentendub. Je vous permetsc d’entrer dans tous les corps constitués telsd que : l’Académie de médecine, l’Académie des sciences, etc. Je vous interdis formellement l’Académie de musique et autrese et je vous défends d’agacer les femmes qui ne sont pas au-dessous de 64 ans. Vous entendez ? Tenez-vous pour averti et craignez mon grand couteau. Je n’ai toujours pas de réponse de Pradier, c’est charmant. Toutes les bêtes ne sont pas au Jardin des Plantes ni à la Porte-Saint-Martin [1], il en reste encore beaucoup dans les divers quartiers de Paris, témoin celui qui fait les frais de ce paragraphe. Quel animau bizarre ! Baise-moi, toi, tu es mon adoré.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 95-96
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « mal aise ».
b) « mal entendu ».
c) « permet ».
d) « tel ».
e) « autre ».

Notes

[1Le Théâtre de la Porte-Saint-Martin avait pris un tournant jugé fâcheux par les grands auteurs romantiques ; son directeur Harel y programmait des numéros d’animaux. L’année précédente, Hugo et Dumas avaient demandé un théâtre à eux (la Renaissance) pour échapper au choix entre « le Théâtre-Français, voué aux morts, et la Porte-Saint-Martin, vouée aux bêtes » (Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie).

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