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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 novembre [1839], lundi matin, 11 h. ¾

Puisses-tua, mon adoré, ne jamais te repentir de ce que tu as fait cette nuit. Puisses-tub être heureux. Désormais, c’est tout mon souci, toute mon ambition, toute ma gloire et tout mon bonheur. Que tu sois heureux et je serai heureuse. Que ta générosité ne soit jamais pour toi un fardeau ni un devoir mais de la joie et de la sécurité et je bénirai la nuit du 17 novembre 1839. Pour que rien ne manquât à notre mariage, j’ai eu toutes les émotions d’un premier jour : bonheur ineffable, extase du ciel, insomnie, étonnement, qui serait de l’inquiétude si je ne connaissais pas la divine bonté de ton âme, j’ai eu tout cela cette nuit et j’ai à peine dormi quelques heures quoique je sois restée au lit fort tard. Enfin, mon pauvre adoré, au MARI PRESc, ce qui est PEU DE CHOSE, ma prière et mon lever de ce matin ont été ceux d’une NOUVELLE MARIEE. Oh ! Oui, je suis ta femme, n’est-ce pas mon adoré ? Tu peux m’avouer sans rougir et cependant mon premier titre, celui que je veux conserver entre tous les autres et par-dessus tous les autres, c’est celui de ta MAITRESSE, TA MAITRESSE passionnée, ardented, dévouée et ne comptant que sur ton regard pour vivre, sur ton sourire pour être heureuse. Je te bénis, mon petit homme généreux, d’avoir pensé à ma fille, ma pauvre fille qui devient aussi la tienne et qui t’aimera d’une partie de mon amour, celui qui te vénère, t’admire et te bénis nuit et jour. Merci pour elle, merci pour moi, merci pour nous car nous serons bien heureux je l’espère, toi par le bienfait, moi par l’amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 63-64
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « Puisse-tu ».
b) « Puisse-tu ».
c) « PRET ».
d) « adente ».


18 novembre [1839], lundi soir, 5 h.

Je suis prête, mon bijou, et en honneur de notre mariage, j’ai mis la belle robe neuve de Lyon. Je crains seulement que tu ne me mènes trop tard chez la mère Pierceau et qu’il n’y ait plus rien à chicoter, ce qui ne m’arrangerait que médiocrement, attendu que j’ai fort peu déjeunéa ce matin. La joie m’avait ôté l’appétit, le bonheur me le rend et je sens que je ferais honneur à un repas de noce ce soir s’il y en avait un. Résisieux sort d’ici, elle me trouve fort belle, moi je lui ai répondu fort heureuse. Elle n’a pas compris le sens de la réponse mais moi je le comprends et je m’étonne de n’avoir pas une AUREOLE autour de la tête comme les bienheureux. Je suis si heureuse, si joyeuse, si amoureuse que c’est à faire envie au Bon Dieu. Pourvu que tu ne regrettesb jamais le marché que tu as fait cette nuit. Pourvu que tu le regardes toujours comme une victoire et comme un bonheur. Je n’ai rien à regretter, rien à désirer. Pauvre adoré, tu as tes belles petites lèvres toutes fiévreuses et je voudrais les guérir à force de baisers. Je t’ai à peine vu tantôt et quand tu viendras pour me chercher à peine aurai-je le temps de te dire que je t’aime. J’ai bien envie de rester chez moi dans ma BELLE TOILETTE pour te garder et pour te caresser sans en perdre une goutte. Si tu savais combien je t’aime. Tu le sais, n’est-ce pas, tu le sais et tu es heureux ? Je baise tes petits pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16340, f. 65-66
Transcription de Madeleine Liszewski assistée de Jean-Marc Hovasse

a) « déjeuner ».
b) « regretes ».

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