16 septembre 1860

Guernesey, 16 septembre 1860, dimanche matin, 8 h.

Bonjour, toi ; bonjour, vous ; bonjour, [toi  ? Toto  ?] qui me plaît ; bonjour, tout ce que j’aime ; bonjour, ce que j’adore ; bonjour, mon cher petit homme béni. Comment vas-tu ce matin, mon bien-aimé ? L’émotion si vive que tu as éprouvée hier au soir ne t’aura pas trop agité pendant la nuit, j’espère ? J’espère aussi que tu auras retrouvé ton Charles tout à fait consolé et heureux et tout le monde à l’unisson chez toi d’une bonne et douce gaîté. Quant à moi j’ai tâché de mettre à profit pour moi-même la poignante et douce leçon d’hier car je sens que ces frottements trop violents des plus tendres sentiments de l’âme et du cœur doivent user ta chère et précieuse vie plus vite que ne le veut la nature. Aussi mon cher bien-aimé adoré, j’ai bien prié Dieu de donner à ton Charles et à moi un peu de raison et de sang-froid, les deux choses qui nous manquent à tous les deux et dont tu aies à souffrir à cause de nous. J’espère qu’il m’exaucera enfin et que tu n’auras plus jamais de tristesse à ce sujet-là de notre part. Avec tout cela je n’ai pas vu la blessure que t’as faite ce miroir mal fixé ; quoique tu m’aies dit que ce n’était rien, j’aurais désiré m’en assurer et baiser la plaie où le coup a porté. Jusqu’à présent c’est toujours à ta pauvre chère tête que les accidents s’attaquent de préférence. Heureusement que la providence défend son bien le plus précieux et qu’elle fait bonne garde autour de toi, ce dont je lui suis bien profondément reconnaissante pour ma part. Je te recommande pourtant d’être prudent de ton côté et de ne pas risquer même un seul de tes cheveux qui m’appartiennent tous.

BnF, Mss, NAF 16381, f. 244
Transcription d’Amandine Chambard assistée de Florence Naugrette

a) « éprouvé ».