1er juillet 1872

Paris, 1^er juillet [18]72, lundi soir 3 h. ½

Je crains, mon pauvre bien-aimé, de ne pas pouvoir sortir tout à l’heure avec toi, même en voiture, parce que mon bête de pied me fait beaucoup souffrir. Je ne savais pas avoir un abcès entre les petits doigts du pied car je mettais tout cet endolorissement au compte de ma vieille goutte ; et ce n’est que ce matin pendant mon bain que je me suis aperçue de ce surcroît de bobos. Au reste tu en jugeras toi-même quand^a tu viendras mais je doute que je puisse mettre aucune chaussure. De plus je suis encore plus courbaturée aujourd’hui que les autres jours ce que j’attribue aux drogues que je prends, y compris mon bain, qui, cette fois, est loin d’avoir fait merveille. Je te demande pardon de te parler si longuement de mes infirmités. Le mieux serait de tâcher de les oublier et surtout de te les cacher. Malheureusement ta sollicitude que je ne mérite guère s’y oppose le plus souvent. Mais le plus sage aujourd’hui pour moi serait de rester chez moi et d’y attendre tes chers petits enfants qui ne manqueront^b pas de venir dîner ce soir je l’espère. J’ai essayé de faire le compte du mois de juin mais j’y renonce tant je suis mal en point. Demain matin à la fraîche je me plongerai à corps perdu dans cet embêtement mensuel. En attendant j’ai mis de côté les 4,050 c. que tu me charges de remettre à ton fils. Maintenant que mon cœur a bien tourné autour de toi il prend son élan pour sauter dans le tien à la condition SINE QUA NON de ne plus en sortir quoi qu’il arrive et quoi que tu fasses^c. Tant pis si cela te gêne.

BnF, Mss, NAF 16393, f. 188
Transcription de Bulle Prévost assistée de Florence Naugrette

a) « quant ».
b) « manquerons ».
c) « fasse ».