Guernesey, 26 mai [18]68, mardi matin, 6 h. ¾
Je venais d’avoir la joie de te voir humer tes deux œufs au soleil sur ton toit quand je me suis aperçue que j’avais oublié de te donner ta bouteille de café hier au soir. Heureusement que j’avais Suzanne sous la main pour te l’envoyer tout de suite, ce qui fait que ton estomac aura à peine eu le temps de s’apercevoir de mon étourderie. Je sais que tu as passé une bonne nuit, ce qui complète mon bonheur de tout à l’heure. Moi aussi j’ai passé une très bonne nuit et je t’adore à plein cœur et en plein soleil. J’espère que tu auras de bonnes nouvelles de ta femme et de tes enfants aujourd’hui. Plus leur lettre s’est fait désirer et attendre, meilleure elle sera, je crois. Quant à moi, je vais m’entendre ces jours-ci avec Phusëy pour faire faire mes deux matelasa afin d’être prête quand tu voudras aller à Bruxelles les rejoindre tous. Quoi qu’il arrive, je ne te retarderai pas d’une minute et je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 146
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « mes deux matelats ».