Guernesey, 14 novembre [18]68, samedi matin, 7 h. ¾
Bonjour, mon grand bien-aimé, comment la nuit ? Bonne, je l’espère. La mienne aussi. Mais, comme il faut qu’il y ait toujours chez moi quelque chose ou quelqu’un qui cloche, c’est au tour de Suzanne d’avoir mal au pied. Il paraîtrait qu’hier dans la journée elle s’était donné un fort coup près de la cheville gauche et que le soir le gonflement et la douleur étaient tels qu’elle a dû aller se coucher avant que tout le monde soit parti. J’ignorais tout cela mais aussitôt que Griffon me l’a eu dit, je suis montée auprès de la pauvre fille et après information, je l’ai fait frictionner avec de l’eau de vie et mettre une forte compresse bien imbibée autour de la cheville. Elle a peu dormi mais ce matin la douleur a diminuéa et le gonflement a disparu. Elle pense que ce ne sera rien et moi aussi. Pour en finir avec tous ces tracas de domestiques, je compte faire demander pour nous un des deux poulets que Marie s’est si généreusement adjugés pour sa gargoineb [1] personnelle. J’espère que tu ne me désapprouveras pas et dans tous les cas, je pourrai encore le lui rendre. L’important, c’est que tu sois content et que je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16389, f. 313
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette
a) « la douleur a diminuée ».
b) « gargoinne ».