Guernesey, 7 février [18]70, lundi soir, 6 h.
Je t’aime. Maintenant que mon cœur a touché barre sur le tien avec ce mot-là, du moins je l’espère, je peux me laisser aller à un peu de verbiage en t’attendant. Je suis si heureuse des nouvelles que tu m’as apportées tantôt de ta Lucrèce [1] qu’il m’est impossible de voir le danger de son formidable succès. Cependant il existe puisque tu le crains et tes amis aussi. Mais je crois que tes ennemis redoutent encore plus le danger qu’il y aurait pour eux à se mettre en travers et je crois qu’ils n’oseronta pas le tenter. Pardonne-moi cette confiance téméraire dans la prudence du Bonaparte qui doit savoir par expérience qu’il n’y a pas de chassepots [2] contre ton génie et qu’il n’a rien à gagner même en risquant tout. Je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 38
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette
a) « oserons ».