Guernesey, 5 février [18]70, vendredi soir, 5 h. ½
Cher bien-aimé, que je suis heureuse de la nouvelle confirmation de l’enthousiaste et invétéré succès de Lucrèce Borgia. Une autre fois tu ne douteras plus, je l’espère, de la double vue de mon âme et de la certitude de mon cœur ? Tu ne peux pas te figurer le cri de joie que j’ai poussé rien qu’en voyant le télégramme de ton Charles sans même en connaître le contenu tant j’étais sûre de ton triomphe. J’ai baisé frénétiquement ce morceau de papier anglais sans songer que c’était une réminiscence de mon délirant baiser à Mademoiselle George après la première représentation pendant que la salle retentissait de cris d’admiration et de bravos mille fois répétés. C’est bien gentil à ton Charles de t’avoir le premier envoyé les applaudissements d’hier. Mais il faut qu’il complète ton bonheur et le mien en te donnant tout de suite des nouvelles de Petit Georges et de petite Jeanne. En attendant je t’adore.
BnF, Mss, NAF 16391, f. 36
Transcription de Jean-Christophe Héricher assisté de Florence Naugrette